Elle a battu tous les records !

 

Les jeux paralympiques de Rio ont encore donné à voir la capacité de l’être humain à se surpasser. Cet événement suscite bien des questions pour tous ceux qui ne connaissent que de loin les situations que vivent des personnes handicapées et aident à transformer le regard porté. Tous ces athlètes ont donc battu des records, leur propre record, le record établi dans la discipline repoussant encore plus loin les limites.
Samedi, autres courses dans un supermarché ! Il y a du monde. A peine entrée, une fillette vient vers moi et me montre un prospectus. Je ne la comprends pas ; ses mots ne sont pas les miens, elle me sourit. Ses parents alors arrivent et me disent : elle est très sociable. Nous discutons un peu sur la réaction possible des personnes, car me disent-ils, tous ne réagissent pas comme vous !
Au fur et à mesure de mes pas dans les différents rayons, je vais croiser Maylis souvent. J’observe alors qu’elle cherche à entrer dans la relation avec toute personne qui est près d’elle. Ses parents sont là, puis plus loin… A chaque fois, c’est de la bonne humeur qui s’exprime, c’est un chemin vers l’autre qui se crée… Voilà, le record de Maylis,ce matin : celui d’avoir salué je ne sais combien de personnes en une heure de temps et d’avoir montré son prospectus, d’avoir semé au gré des étalages son brin de bonne humeur !

J’ai observé les personnes qu’elle a rencontrées. Pas une fois, elle n’a essuyé un refus de partager avec elle, quelques minutes.

Ce micro événement est riche d’enseignement :

  • Les parents de Maylis ont tout de suite mis en avant sa qualité relationnelle- elle est très sociable-  Ils la laissent assez autonome dans ses déplacements pour qu’elle profite pleinement de ce moment des courses pour – vivre sa vie- en quelque sorte. Les parents connaissent bien leur enfant et nous apprennent comment agir avec leur enfant différent. Ils prennent appui sur la bonne humeur contagieuse de leur fille pour faire de ce moment une occasion de nous aider à transformer notre regard – qui n’est plus un regard de pitié, mais un regard qui se construit dans la relation si brièvement et facilement installée- Oui, elle a du talent cette demoiselle.
  • Quand nous parlons de nos élèves qui nous mettent en difficulté, pourrions-nous commencer à énoncer d’abord toutes leurs qualités, et à favoriser une sollicitation de ces dites qualités ? Mobiliser les forces encourage, permet des réussites et peut aussi favoriser le développement d’aptitudes moins bien partagées. Les collègues de l’école de Versmé à Vilnius travaillent ainsi, faisant le pari que développer les points forts permet, dans un mystère non encore élucidé, d’améliorer les points faibles. Cela nécessite de notre part un vrai changement d’angle de vue.
  • Maylis a apporté quelque chose de singulier au cours de son parcours dans le magasin ; quelque chose d’unique qui nous oblige à agir autrement, à nous ouvrir à ce qu’elle souhaite partager… Elle met du contact humain dans un lieu parfois si anonyme. Comment dans nos établissements, mettons-nous en valeur ce que nous apportent les élèves de l’Ulis, ou l’élève qui pense autrement, qui n’a pas les mêmes outils cognitifs que ses autres camarades ? Une manière de voir, un détail particulier, une question surprenante…

Les sportifs de RIO ne se considèrent pas comme des personnes handicapées car pour parvenir à ces résultats, ils ont dû être entourés de personnes qui ne les ont pas enfermés dans les limitations physiques ou autres. De ce fait, ils ont pu puiser dans des ressources insoupçonnées et déployer une rage de vivre et de vaincre exceptionnelle. Maylis va de l’avant et veut communiquer. Dans nos contextes scolaires, c’est bien l’observation et la recherche   d’une communication réelle avec tous les élèves qui permet alors de dépasser une vision restrictive, catégorielle, et  qui promeut les potentialités existantes de chacun.

Véronique Poutoux, rédactrice en chef. 6 octobre 2016.