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• Quand la peur détruit le bon sens…

A entendre dernièrement différentes situations, ou certains commentaires, il y a bien deux constats inquiétants à faire et qui interrogent le sens même de l’école inclusive.

– Le premier est celui de l’épuisement des enseignants et de leur découragement. Comment celui-ci peut- il être expliqué et être entendu ?

  • La situation sanitaire qui s’était calmée en ce début d’année est à nouveau problématique, entraînant des absences, non remplacées… des classes qui se ferment. Une zone d’incertitudes s’étend comme un paysage rempli de brouillard.
  • La difficulté parfois, à travailler en équipe, à sentir l’appui d’un collectif… Faute de temps, faute de moyens humains pour baliser ce travail.  Quant au soutien et à la compréhension des instances institutionnelles…
  • Le sentiment corroboré par les chiffres, d’une augmentation du nombre d’élèves avec des besoins particuliers à suivre dans chaque classe, est réel. Ce qui entraîne à la fois des questions sur la qualité de son propre travail, un sentiment d’impuissance et de découragement… Et pourtant, pour la grande majorité des enseignants, le désir d’accompagner tous les élèves au mieux est bien présent. Cela entraîne ensuite de nombreuses rencontres avec les parents. Lieux d’écoute, de confiance réaffirmée de part et d’autre mais aussi lieux de malentendus, de blessures ré ouvertes, de sans issue parfois. Cela entraîne aussi de nombreuses réunions d’équipes (éducative ou de suivi de scolarisation) dans lesquelles les différents partenaires se mobilisent ensemble au service du projet du jeune ; mais aussi des moments difficiles d’incompréhension, de positionnements non ajustés, de prises de pouvoir, de non reconnaissance de ce qui est vécu, travaillé par les uns et les autres… de trois pas en avant, de deux pas en arrière.
  • Comment alors répondre à cet épuisement ? Les moyens ne sont pas toujours là, et actuellement, il y a tant de lieux où nous sommes à la limite de l’acceptable. Mais n’avons-nous pas fait fausse route en sur personnalisant au lieu de repenser la classe autrement, de prendre en compte d’entrée de jeu les invariants présents (Il y a des élèves qui sont en difficulté de lecture, écriture, d’attention, de mémorisation, d’anticipation et planification…) afin de préparer supports, démarches adaptées, en concevant les séances rendues accessibles ? 
  • Il nous faut sortir de cette fuite en avant et croire que nous résoudrons cette situation en augmentant le nombre d’AESH. C’est bien une responsabilité collective qui est engagée et sans doute une transformation plus radicale de l’école qui doit être pensée. L’école inclusive doit se dégager de l’organisation en classe d’âge, d’un programme unique. D’autres formats pédagogiques peuvent fonctionner avec plus de flexibilité et de créativité.

Le deuxième constat est celui de la prédominance du modèle médical qui entraine avec lui, une sur catégorisation, une sur administration, une sur personnalisation et donc la poursuite d’une stigmatisation et d’un regard social qui ne change pas. Plusieurs exemples en disent longs.

  • Pourquoi monter un dossier MDPH lorsqu’une équipe éducative en accord avec les parents demandent un maintien justifié en grande section ?  Quand pourra-t-on mettre en œuvre une vérité de bon sens qui est celle de reconnaitre que tous les enfants ne se développent pas tous au même rythme et que certains peuvent avoir besoin d’un peu plus de temps, tout simplement…  On installe par cette procédure une désignation qui n’a pas lieu d’être, qui engrange une angoisse chez les parents, l’enfant bien sûr et les enseignants…
  • En classe de CM2, deux élèves bénéficiant du dispositif ULIS travaillent en mathématiques avec leur AESH. Ils sont placés un peu à l’écart des autres, pour pouvoir mieux travailler. En regardant de plus près cette situation, nous nous apercevons que l’AESH est là pour calmer d’éventuels gestes déplacés de l’un et un débordement émotionnel éventuel de l’autre.  Ces deux réactions ne se produisent que rarement. Pourquoi alors ne pas constituer autour de ces deux élèves, un petit groupe ? L’AESH pourrait alors être plus utile dans cette aide ainsi mutualisée. L’autre question posée par cette situation, est celle de la compréhension de ce qui semble être craint… ces élèves sont connus de leur camarade, de l’enseignant… Alors il s’agit simplement de faire avec. Je suis sure d’ailleurs que certains enfants auraient le comportement tout à fait ajusté à ces éventuels débordements.
  • Un enfant, grand prématuré, entre à l’école. il n’est pas propre. Le médecin rédige un certificat mettant en relation la grande prématurité et le fait que dans son développement, il n’a pas encore ses 3 ans et de faire un PAI … Me sont revenues les images d’une classe en Italie où il est tout à fait convenu que certains enfants ont encore des couches et que cela n’est pas dramatique… On leur apprend simplement à changer leur couche de façon autonome… et cet apprentissage se met en place tout seul.

Au travers de ces exemples, nous voyons bien que nous avons perdu notre bon sens … et un peu de notre humanité. Pourquoi ? Par peur… Il faut tout classifier et entrer dans des process qui garantiraient les actions menées. Mais qui garantit que les actions énoncées dans ces process ne comportent pas elles aussi leur part d’erreur ? Comment pouvons-nous faire à nouveau confiance ? Confiance en nous-même, en notre jugement, en notre créativité ? Confiance en l’autre ? L’école inclusive est une école humaine et non une école standardisée, normative, robotisée …

Ressaisissons-nous… vite.  Construisons des relations de compréhension et d’élargissement de notre vision… Nous trouverons les solutions au quotidien… en dialogue avec les parents, en collaboration avec toutes les ressources humaines de l’école, y compris celles que sont nos élèves… et prenons nos responsabilités pour regarder en face ce qui ne tient pas la route et ajuster nos réponses à nos valeurs, nos convictions. Inventons des contournements aux injonctions paradoxales qui maintiennent cette vision médicale et catégorielle et surchargent de travail et d’angoisse enseignants, parents et enfants.

 

. École et Société inclusive ! L’une ne peut aller sans l’autre !

Il y a des mouvements de fond qui poursuivent leur cheminement malgré les obstacles, les différents aléas de surface. Il en est ainsi du courant qui consiste à poursuivre le développement de l’éducation inclusive au sein d’une société qui hésite à être inclusive.

Les données quantitatives montrent cette évolution. Voir, entre autres, les chiffres donnés dans l’article récent de Dominique Momiron ( Inspecteur de l’éducation nationale honoraire, ex conseiller pour l’école inclusive académie de Clermont-Ferrand). L’augmentation du nombre d’élèves en situation de handicap et du nombre d’AESH est bien là.[1] Mais cela suffit-il ? L’école inclusive ne peut pas se mesurer au nombre de plus en plus important d’AESH. Il est indéniable que leur présence et leur travail est indispensable. Mais penser et agir l’école inclusive relève de changement de représentations, de compréhension des différents processus d’apprentissage et de transformation des pratiques éducatives et pédagogiques.

En effet, si l’école inclusive prépare une société inclusive, elle ne peut se développer que si la société veut être une société inclusive. Pour cela, plusieurs changements dans les représentations ou dans les décisions/ actions doivent pouvoir se concrétiser, se donner à voir. Les discours bienveillants autour du handicap, qui semblent faire consensus, ne suffisent pas à rendre une société inclusive. Il nous faut apprendre à vivre en société inclusive, c’est à dire à prendre en compte toutes les formes de vulnérabilité qu’éprouvent tant de personnes et à prendre les mesures qui témoignent d’une solidarité effective.  Les discours actuels de pré campagne présidentielle ravivent des positions idéologiques et de repli identitaire qui menacent notre vivre ensemble.

L’école inclusive se doit de veiller à ne pas exclure au nom de différences portées par nos regards et nos à priori, et à ne pas catégoriser à outrance.[2] L’excès de diagnostic peut enfermer un élève dans des a priori limitatifs. Les excès de diagnostics peuvent enfermer l’école dans une sur catégorisation qui l’éloignerait de sa visée inclusive.  Si dans un premier temps, il a été nécessaire de « forcer » le changement de cap, aujourd’hui il est temps de valoriser et d’expliciter les pratiques existantes d’écoute, d ‘observation, d’adaptations pédagogiques, les expériences de terrain qui témoignent de toute une recherche des différents acteurs pour mieux prendre en compte les besoins particuliers des élèves.

Dans cette période troublée qui se poursuit, chacun de nos discours, de nos actions peut contribuer ou pas, à maintenir le cap d’une école inclusive dans une société inclusive ou au contraire faire advenir une société non inclusive qui se passera alors d’une école inclusive !

Soyons conscients de ces enjeux actuels face aux peurs qui surgissent. Il y a nécessité d’un regain de convictions à porter en soi et en équipe pour guider le travail quotidien auprès de tous les élèves qui nous sont confiés. Il nous faut témoigner plus que jamais de ce qui se vit dans les classes, se produit dans les parcours individuels des élèves, des enseignants et de leurs parents. Il nous faut trouver le moyen d’expliciter ces avancées qualitatives qui décrivent des « bouts » de réalité qui mis « bout à bout » construisent une école que nous n’aurons plus besoin de nommer « inclusive » !

Véronique POUTOUX, le 3 octobre 2021.

[1] Pour rappel, D. Momiron, prend en compte le nombre d’élèves ayant une notification d’aide humaine.En 2016, Sur 118 000 élèves en situation de handicap, 26 000 ont une notification d’aide humaine soit 22%.. En 2015, sur 280 099, 124 800 ont eu une notification d’aide humaine, soit 45%. En 2020, sur 386 500, 224 237

[2] Notre bureaucratie est pourtant championne pour nous soumettre des protocoles catégorisant qui réussissent parfois, à ôter aux enseignants, aux équipes, leur réflexion, leur bon sens et leur capacité à agir.

• AESH et école inclusive

Un article très intéressant écrit par Dominique Momiron et qui nous donne une vision quantifiée et précise de la situation des AESH. Des constats qui montrent la demande croissante en AESH plus forte que l’augmentation du nombre d’élèves en situation de handicaps.

En 2006, rentrée qui vit l’application de la loi handicap du 11 février 2005, le nombre d’élèves ayant eu une notification d’aide humaine par la CDAPH s’élevait à 26 000, soit 22 % des 118 000 élèves en situation de handicap. En 2015, 124 800 élèves disposaient d’une notification d’aide humaine et leur proportion s’était accrue pour passer à 45 % des 280 099 élèves en situation de handicap. En 2020, le nombre d’élèves notifiés pour une aide humaine était de 224 237, soit 58 % des 386 500 élèves en situation de handicap.

De plus, la différence d’attribution est aussi très variable en fonction des territoires.

Dominique Momiron pose ainsi en conclusion :

En rassemblant les éléments de ce tableau, on saisit alors que la dialectique entre la hausse permanente des besoins et la lente et « précautionneuse » institutionnalisation de l’emploi des AESH forme un cocktail étrange et instable dont la régulation efficace et apaisée semble échapper aux tentatives successives des ministères concernés. Ce cocktail tend même à phagocyter toute la problématique de l’école inclusive. Se pose alors une double question. Quelle est, ou devrait être, la place des AESH dans l’école inclusive ? Et finalement, pourquoi la France a-t-elle crispé sa démarche d’éducation inclusive sur la seule dimension de l’accompagnement des élèves handicapés ? On y reviendra.

A lire : http://www.cafepedagogique.net/Documents/23092021Article637679769336801659.htm

• Comité national de suivi de l’École inclusive

“Le Comité national de suivi de l’École inclusive s’est réuni le lundi 9 novembre 2020. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, et Sophie Cluzel, Secrétaire d’État auprès du Premier ministre, en charge des personnes handicapées, sont notamment revenus sur les avancées réalisées depuis 2017 et sur la poursuite des efforts pour l’École inclusive en 2020-2021.”

Outre le point sur ces avancées (dont outils et ressources mises en place, qui nécessitent d’être diffusés largement aux usagers), on trouvera dans ce compte-rendu quelques documents statistiques notamment ceux indiquant une nette progression de la scolarisation en milieu ordinaire des élèves en situation de handicap (+7%), mais aussi une progression de l’accompagnement en classe par des AESH (+18%).

Nous savons bien sûr que cette progression n’est pas visible partout et que beaucoup de travail reste à faire sur certains territoires.

Plusieurs annonces intéressantes en termes de suivi des élèves :
– un livret de parcours inclusif qui sera généralisé à la prochaine rentrée 2021
– une application de gestion et de suivi des élèves en situation de handicap en cours de déploiement dans certaines académies.

… et en termes de formation initiale (25h dédiées à l’éducation inclusive) et continue (accès à la certification CAPPEI par validation des acquis de l’expérience professionnelle (VAEP).

Côté AESH, on notera la création depuis février 2020 d’un comité consultatif des AESH, mais surtout une nette évolution du statut qui sort de la précarité, reconnu au sein des équipes et pouvant recvoir l’aide de pairs experts, les AESH « référents ». Ce nouveau rôle est assorti d’une indemnité de fonction annuelle de 600€.

De nombreux autres points sont abordés, concernant semble-t-il tous les acteurs et toutes les structures d’accueil ou d’accompagnement
à retrouver sur le site du ministère ou dans le dossier complet.

•”Il, Elle va en inclusion!”

“Comment peut-on dire d’un élève qu’il, elle va en inclusion alors que de facto il est inscrit administrativement…  dans cette classe…”

C’est ainsi que Marie Toullec- Théry ouvre le numéro 22 de la revue Ressources : “Il, elle va en inclusion, paradoxe d’une école inclusive”

A découvrir et à lire pour saisir toute la réalité paradoxale dans laquelle nous nous débattons, tentant de dépasser la logique de la norme , interrogeant sans cesse les pratiques d’accessibilité.

A voir sur : https://inspe.univ-nantes.fr/recherche-innovation/nos-publications/ressources-pour-la-formation-l-ecole-et-les-apprentissages-scolaires-1408481.kjsp

Le numéro est téléchargeable. Merci à l’équipe de Nantes.

• Chercher les limites de l’école inclusive

Aider une étudiante en répondant à un questionnaire de recherche.
Pour professionnels travaillant auprès d’élèves en situation de handicap ou Parents d’enfants en situation de handicap à l’école primaire.

Questionnaire à destination de parents d’élèves de l’école primaire en situation de handicap : https://www.askabox.fr/repondre.php?s=270161&r=SPWM27yCpw5j

Questionnaire à destination de professionnels travaillant auprès d’élèves en situation de handicap : https://www.askabox.fr/repondre.php?s=270132&r=SPEjHEYzd81p

Je suis Angèle, 22 ans, étudiante en troisième année d’une licence de Sciences de l’Éducation à l’université Louis Lumière Lyon II. Dans le cadre de ces études, je mène un travail de recherche sur l’école inclusive à l’école primaire. Je cherche à comprendre quels sont les facteurs qui expliquent que l’école inclusive n’obtient pas des résultats aussi probants qu’attendus dans l’intégration, les apprentissages et l’accompagnement des élèves en situation de handicap, à l’école primaire. Témoignages et réponses me sont nécessaires afin de comprendre quelles sont les limites de l’école inclusive. Pour cela, je diffuse deux questionnaires. L’un à destination de professionnels enseignants et accompagnants auprès d’élèves en situation de handicap, le second à destination de parents d’élèves en situation de handicap scolarisés à l’école primaire.

Ce questionnaire est anonyme. Les réponses et données partagées ne seront utilisées qu’à des fins statistiques pour un projet personnel universitaire. Les résultats du questionnaire ainsi que le dossier de recherche seront disponibles à la fin de cette recherche.
Merci pour le temps que vous prendrez à répondre à ce questionnaire

Angèle Duverne, étudiante à l’Université Louis Lumière Lyon II en troisième année d’une licence de sciences de l’éducation.

• 15 ans, déjà ! Encore bien du travail !

Oui, déjà 15 ans que la loi “Pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées”, a été votée !

Qui se souvient encore du titre de cette loi ? Il faut reconnaître qu’il est bien long mais qu’il comportait par son expression une vraie transformation à réaliser pour devenir une société plus inclusive. Les termes participation et citoyenneté indiquaient ce chemin à construire pour que les lieux “à part”, les zones d’invisibilité disparaissent, que nous reconnaissions enfin que nous sommes tous concernés par la question des situations de handicap, momentanées ou définitives qui caractérisent l’humanité.

Alors, oui, il faut bien le dire, de nombreux changements ont eu lieu dont nous avons rendu compte sur le site. Nous nous sommes interrogés au fur et à mesure des évolutions et interrogé les nouvelles logiques à l’œuvre combattant en quelque sorte les anciennes. Nous avons observé ensemble ce changement de paradigme et les difficultés que cela générait.

Marquons pour cet anniversaire un temps d’arrêt pour regarder le chemin parcouru et entrevoir les étapes suivantes le domaine de l’éducation inclusive qui participe d’une société plus inclusive.

  • Création des MDPH, des enseignants référents et des équipes de suivi de scolarisation : Exit les commissions d’éducation spécialisée qui fonctionnaient parfois comme des tribunaux pour les parents, imposant à ces derniers les décisions des experts réunis avant et qui parlaient entre eux. Pour autant, ces créations n’ont pas été si simples et lisibles. Les débuts éparpillés des MDPH, leur fonctionnement « autonome » pouvait créer de nouvelles injustices d’un département à l’autre. Les enseignants référents furent submergés par la partie administrative de leur mission et ne pouvaient assurer la coordination pédagogique des suivis des élèves. Malgré leur formation d’enseignants spécialisés, l’animation et la conduite des réunions demandait une formation qu’ils n’ont pas toujours reçue. Ce fut donc une mise en œuvre conduite très rapidement. Peu à peu, ces tâtonnements ont construit une expérience qui est profitable à tous. L’élaboration du GEVASCO a permis une harmonisation des pratiques et, peu à peu, toutes les équipes avec l’aide des enseignants référents sont en capacité de le remplir et de se laisser interroger ainsi par les observations à réaliser, les données qu’ils peuvent faire émerger des évaluations scolaires. Comment aller plus loin ? Que toutes les équipes de suivi de scolarisation puissent fonctionner et prendre vraiment en compte la parole des parents et des jeunes ! Que le projet pédagogique et éducatif soit plus développé en termes d’objectifs d’apprentissage.
  • Effectifs : Les chiffres montrent bien le développement important d’élèves en situation de handicap scolarisés en établissements scolaires. Pour autant, 11 000 élèves auraient été sans solution à la rentrée 2019. Il est indéniable que comme le montre le schéma ci-dessous, l’évolution est forte et que cette présence des élèves en situation de handicap modifie l’école pour le bien de tous.
  • Évolution des pratiques enseignantes: oui, ils sont nombreux les enseignants qui peu à peu ont pris en compte ces “nouveaux élèves” et cherché, en tâtonnant, à accompagner au mieux ces parcours plus particuliers. Parmi eux, certains, et ils sont de plus en plus nombreux, ont réalisé que le regard qu’il portait sur ces élèves, l’analyse des difficultés rencontrées les conduisaient à modifier leur façon d’enseigner et que cela apportait des bénéfices pour l’ensemble de leurs élèves. ils se sont peu à peu approprié les notions de personnalisation, d’accessibilité, de transformation des modalités d’enseignement intégrant aussi les outils numériques de compensation. Ce mouvement va se poursuivre, comme si de nouveaux gestes professionnels créaient un répertoire innovant autour des situations d’enseignement/apprentissage.
  • De nouvelles connaissances: Les neurosciences cognitives nous ont éclairé sur les fonctionnements si divers entre élèves. Nous avons de nombreuses connaissances sur les mécanismes des fonctions exécutives, sur l’attention, la mémorisation et comprenons mieux  ce qui se passe dans toutes ces boîtes noires qui nous sont confiées. De même, les différents troubles nous sont mieux connus, nous donnant des éléments pour les adaptations. Toutes les découvertes sur l’autisme changent notre regard et vont permettre peu à peu de scolariser les jeunes enfants dès la maternelle. Le développement des UEM et UEEA devrait avoir lieu obligeant des partenariats entre thérapeutes, accompagnants et enseignants. Le concept de normalité pourrait-il à terme disparaître ? le doit-il ? Nous devons aussi continuer à prendre en compte la souffrance présente dans bien des situations et qui demandent des suivis thérapeutiques psychologiques. Après le “Tout psy” des années 70, nous ne devons pas tomber dans le “Tout neurologique” !
  • AVS, AESH ? AVS CO ? Aide individuelle, aide mutuelle ? la logique de droit a conduit à poser des exigences dans l’accompagnement. Pour les parents, c’est leur droit que leur enfant dispose de ces heures d’aides humaines pour faciliter la scolarisation. Pour les enseignants, scolariser un enfant en situation de handicap est possible si et seulement si, il est accompagné de son AVS. Réactions de surenchère qui, bien sûr, peuvent se comprendre, mais qui aujourd’hui doivent évoluer. Tout d’abord le projet humaniste porté par cette loi s’est heurté à un manque de moyens très important. Question toujours présente ! Que dire des errances autour du statut de ces personnes, du niveau de qualification attendu, des modalités d’affectation inégales là aussi d’un lieu à l’autre. Aujourd’hui, le statut s’est précisé mais la rentrée 2020 a montré encore des situations de ces personnels non acceptables. La récente mise en place des PIAL devrait permettre une meilleure affectation pour couvrir les besoins. Cependant, l’évolution entre aide individuelle et aide mutualisée se heurte encore à des représentations très individualistes sans comprendre que tout le monde a à gagner à penser le collectif et l’individuel dans un projet commun. La présence des AVS au sein des classes s’est aussi improvisée, bousculant le travail solitaire des enseignants, interrogeant de fait de nouvelles modalités de collaboration. Aujourd’hui, la présence d’AESH, articulée au développement des aides mutualisées va permettre de nouvelles synergies pédagogiques au sein des classes et favoriser une transformation des pratiques bénéfiques à tous.
  • PPS, PAP, PPRE, PAI, BEP ? que de sigles. La définition du handicap telle que donnée dans la loi a conduit à explorer davantage la situation de handicap. Cela a créé une augmentation très importante de demandes auprès des MDPH. Grand questionnement autour des troubles du comportement, du langage ! La dyslexie est-elle un handicap ? Non, certains élèves, avec des dyslexies sévères sont en situation de handicap quand les besoins d’aide sont importants. Mais d’autres ont besoin seulement d’aménagements pédagogiques relevant de la différenciation pédagogique/ C’est ainsi que peu à peu s’est construit cette distinction entre les différents projets possibles. Le PAI, prenant bien en compte les troubles de la santé qui demandent des aménagements et l’information de protocoles médicaux en cas de besoin.  Tous ces projets individuels renforcent des catégories et créent toute une charge de travail administratif portée par les professeurs principaux, les chefs d’établissement, les infirmières. Toutefois, nous pensons que ce passage obligé, très administratif, pourrait se simplifier si les enseignants référents avaient moins de dossiers d’élèves à suivre, si les PIAL œuvrent dans ce sens. De plus, la notion de besoins éducatifs particuliers dans son acception large, c’est à dire, l’ensemble des besoins d’aides que les élèves rencontrent dans différentes situations scolaires, devrait être partagée par tous. Il est grand temps d’abandonner l’expression” BEP” (les élèves ne sont même pas nommés !) comme remplaçant “handicap”.  La limite de la catégorisation, se trouvant bien sûr lorsque nous rencontrons des élèves qui sont “à cheval” ou limites pour bénéficier de tel ou tel projet. Il est nécessaire aujourd’hui que les pratiques pédagogiques deviennent de plus en plus différenciées, flexibles et inclusives et permettent ainsi que des parcours d’élèves soient accompagnés de façon plus souple. Cela demanderait une plus grande explicitation de la part des enseignants sur ce qu’ils mettent en œuvre et une plus grande confiance des parents à leur égard. De même, cette confiance envers le travail des enseignants doit être effective de la part de l’institution éducation nationale. 
  • Parcours, dispositifs et personnes ressources : cette fois-ci ce ne sont pas des sigles mais des mots devenus incontournables. Ce sont eux qui traduisent le mieux le changement de logiques à l’œuvre. Passage du spécialisé, à part, cloisonné, en filières, vers une responsabilité partagée par tous dans un parcours qui doit s’adapter le mieux possible aux besoins des élèves en organisant des dispositifs plus souples et en développant cette idée de personne ressource, pôle ressource. C’est ce que nous donnions à réfléchir dans l’article “Être tous ressource les uns pour les autres ?” Comment gagner encore en souplesse et mutualiser les moyens finalement, favoriser les décloisonnements possibles ? Il s’agit ici de la question de l’organisation temporo-spatiale de la vie des établissements scolaires qui doit maintenant permettre la fluidité des parcours. Nos architectures sont un frein au développement nécessaire de groupes modulables en fonction des besoins. La notion de classe d’âge toujours très présente est, elle aussi, un frein. Elle ne facilite pas des participations à des situations pédagogiques plus ajustées en fonction des besoins et non en fonction d’un âge “normal” et de programmes qui bloquent d’autres apprentissages pour certains. Il nous faut à la fois garantir la vie d’un collectif porteur de projets à vivre ensemble et les réponses à apporter pour permettre de développer tous les potentiels dans des rythmes différents et avec des chemins et des priorités différentes.  Les emplois du temps devraient se mettre au service de cette vision et obligeaient à repenser la répartition du temps de travail des enseignants.
  • Partenariats avec les établissements médico-sociaux.  Si dès la rédaction de la loi, il était envisagé de nouvelles collaborations établissements scolaires et médico-sociaux, force est de constater que peu de choses ont encore bougé. Mais nous y sommes maintenant. il y a bien un virage à prendre pour mutualiser les ressources. Plus l’établissement scolaire fera disparaitre des cloisonnements trop rigides, plus les lieux à part, dans l’école comme ils existaient autrefois, ou en dehors de l’école n’auront plus besoin d’exister. Nous passons d’une vision d’une cité scolaire quadrillée à une vision de réseaux complémentaires, collaboratifs avec des connexions variées. Véritable défi ! mais qui peut conduire, si les lourdeurs administratives, les guerres de territoire, les affrontements d’égo disparaissent, à une véritable éducation inclusive construisant alors une société plus inclusive.
  • De nouvelles avancées à la rentrée 2019, une volonté de poursuivre les transformations nécessaires. Nous avons pris connaissance de la circulaire de rentrée dédiée à l’école inclusive et à la mise en place d’un service d’éducation inclusive. qui montrent une volonté gouvernementale de poursuivre cette visée. Il s’agit de mieux prendre en compte les demandes des parents, de palier à des situations inacceptables, de s’appuyer sur l’analyse des dysfonctionnements rencontrés pour aller plus loin. Nous allons regarder de plus près comment les PIAL vont pouvoir localement mieux organiser dans des partenariats plus développés l’organisation des réponses ; comment les annonces autour de la simplification des mesures, des conditions d’aménagement des examens vont se réaliser.
  • Les lenteurs constatées durant ces 15 années passées : Il a fallu attendre 2017 pour que le diplôme d’enseignant spécialisé soit réaménagé pour tenir compte de la loi de 2005. Entre 2004 et 2017, nous avons continué à former des enseignants au CAPA SH, 2CA SH avec les jeux d’option qui n’avaient plus de sens. Le CAPPEI, ne donne pas entièrement satisfaction et pose encore des questions. Mais la mission de personne ressource de ces enseignants est reconnue. La SEGPA présentée comme une “structure” d’inclusion scolaire, ce qui est contradictoire, devrait-elle aussi être repensée dans une vision de dispositif d’aide sur le principe des ULIS, s’adressant à des élèves qui rencontrent des difficultés scolaires et un décalage important dans leurs apprentissages. De même, est attendu un texte redéfinissant les missions des RASED dans ce nouvel environnement.

Nous le voyons, ce rapide panorama nous montre des avancées certaines mais aussi combien les représentations anciennes, les attachements aux fonctionnements anciens, ralentissent le mouvement. Le manque de moyens pèse aussi, même si, quelque part, les contraintes qui en découlent obligent à être créatifs. De toutes ces initiatives, de ces avancées, de ces passages un peu ralentis, de tous les combats menés par les parents, par tous ceux qui défendent le développement de tout être humain, nous allons cependant vers une réelle école inclusive…

Juste une école qui scolarise tous les élèves et que nous n’aurions plus besoin de nommer inclusive !

 

• Vous avez dit autonomie ?

Il est intéressant de voir dans les évolutions traversées autour de l’école inclusive, les mouvements de balancier présents et comment alors que nous poursuivons ce projet de l’éducation inclusive, des dérives s’installent.

Nous avions montré que les premières approches pour scolariser les élèves en situation de handicap, prônaient toutes la personnalisation des parcours, en faisaient une condition sine qua non. Dans tous les textes et rapports de recherche, la personnalisation des projets était le passage obligé et se déclinait suivant les pays de différentes manières, en situant les niveaux de responsabilité différemment, en se référant de près ou de loin au curriculum général ou pas. Puis appuyée par la logique du droit cette tendance s’est confirmée et a produit des effets négatifs non attendus, comme la sur stigmatisation, le renforcement des catégories pour savoir de quel type de projet relevait cet élève. Ceci est particulièrement vrai en France, où la clarification apportée depuis trois ans est intéressante, mais quid de celui qui est juste à la limite entre PAP et PPS qui a de plus un PAI ? Dans le quotidien des classes, les enseignants peuvent constater que certains élèves refusent les aménagements prescrits, ou que des parents demandent toujours plus.

Il en est de même sur la question de l’autonomie que nous définissons comme cette capacité de l’être humain à entreprendre des actions par lui-même en se donnant ses propres règles de conduite. Si la recherche d’une autonomie maximale, pour tout un chacun est bien un but en soi, il ne faudrait pas oublier avant tout que de notre naissance à notre mort, nous passons par des moments d’autonomie restreinte où nous devenons dépendants. Notre capacité d’altruisme prend le relais, soulevant dans notre époque bien des questions.  Du nourrisson nécessitant tous les soins si importants dans son début de vie aux vieillards en fin de vie, nous pouvons, la plupart du temps compter sur ce relais par autrui et accepter plus ou moins facilement, cette réduction de notre autonomie acquise.

De l’école maternelle au lycée, ce terme d’autonomie est le sésame de la réussite scolaire. Avant même de penser à ces élèves qui ont des besoins plus importants d’aide, réfléchissons à cette exigence que pose l’école dès les premières années.  Car cette question se trouve au croisement des pratiques éducatives parentales et des pratiques éducatives scolaires. Combien de jugements portons-nous sur des enfants qui ne sont pas autonomes, parce qu’à la maison, les parents pour des raisons qui leur appartiennent, font beaucoup à la place de leur enfant ? Si, bien sûr, l’éducation vise à ce que chaque enfant devienne autonome, responsable, nous devons faire attention à ne pas porter de jugement réprobateur sur ces pratiques familiales et nous devons aussi nous interroger sur les situations pédagogiques, éducatives que nous proposons pour apprendre cette autonomie. Cela passe par des aides proposées qui peu à peu ne seront plus utiles, mais indispensables dans un premier temps pour tous, puis différenciées au fur et à mesure de la scolarité pour certains. L’organisation de l’agenda, la préparation du cartable, la mise en route sur un travail donné, la préparation d’un exposé… Tout cela s’apprend et c’est bien le rôle de l’école que de mettre en place les conditions de ces étapes de construction de l’autonomie. Nous le voyons le manque d’autonomie ne peut être un motif d’exclusion des apprentissages. D’autre part, cette expression “il, elle manque d’autonomie” est un constat général sur lequel la plupart du temps, nous n’apportons pas de solution. Il nous faudrait préciser dans quelles situations s’observe un besoin d’aides.

Depuis 2005, la question de l’autonomie s’est transformée puisque certains élèves du fait de leur handicap, ont justement besoin d’aides pour pouvoir participer pleinement à la vie de l’école, de la classe.  Nous pourrions dire que justement ces élèves ne sont pas complètement autonomes et que la question posée à l’école est bien celle des aides progressives à mettre en place pour viser leur plus grande participation possible. Les AVS puis aujourd’hui les AESH connaissent ce questionnement. Comment situer cette aide humaine, l’ajuster au mieux selon les moments, les évolutions, les réactions des jeunes ? Une tendance tout à fait humaine et louable peut conduire aussi à une surprotection et tout le travail des AESH repose en partie sur ce doigté fin et délicat pour ajuster les curseurs : quand cet élève peut-il faire tout seul ? Quand faut-il l’aider ? Tous les travaux de Marie Toullec-Théry ont apporté des éclairages très intéressants sur cette question, regardant très finement, les positions de l’AESH, de l’enseignant, de l’élève …

Aussi sommes-nous aujourd’hui invités à repenser cette question de l’autonomie qui reste bien sûr un enjeu majeur de développement pour chacun. En effet, elle ne peut être dissociée de la reconnaissance de la fragilité constitutive de l’être humain, Charles Gardou, 2012, et qui nous impose les uns vis à vis des autres une solidarité. Nous avons sur développé la recherche de la primauté du sujet, de son épanouissement le plus abouti, et c’est une bonne chose mais dans la balance, nous devons aussi poser cette conscience de notre propre fragilité. Nous avons développé la vision d’une société hyper performante, remplie de super héros très compétents, nous ne pouvons nier les effets dévastateurs que cela peut produire. Nous avons à accepter nos vulnérabilités et à en percevoir aussi ce qu’elles nous apportent. Cessons de nous penser autonomes et invulnérables pour nous reconnaitre aussi interdépendants et vulnérables. Apprenons à cultiver  cette qualité de relation dans les classes, entre enseignants, avec les parents et nous gagnerons un équilibre serein entre autonomie et entraide nécessaire. L’apprentissage de l’autonomie doit se conjuguer avec celui de l’altruisme qui se fonde sur l’empathie et la mise en œuvre d’actions solidaires, d’aides mutuelles au quotidien.

Je vous propose la schématisation suivante: Carré ou cercle ?  Cela présente à la fois l’avantage de donner une vision des réflexions évoquées et l’inconvénient de vouloir trop simplifier dans une opposition un peu trop binaire. Il me faut donc compléter ces schémas des commentaires suivants :

Le choix du carré de la primauté du sujet met donc en avant les termes de l’autonomie, de la rationalité, de la liberté (illusion de la liberté) et de la compétence. En effet, il me semble qu’avec cette visée de l’autonomie dans le versant excessif lié au développement des compétences, le côté rationnel est lui aussi sur développé. De même, ce développement de l’autonomie se justifierait comme le passage nécessaire pour acquérir la liberté. On voit bien les illusions que recouvrent ainsi formalisées et simplifiées cette course au développement du sujet. La figure du carré enferme le sujet entre ses blocs.

La métaphore du cercle de l’altruisme montre la fluidité entre les termes qui eux aussi construisent une autonomie du sujet mais en lien avec les autres. La prise en compte du “sensible” me semble très importante ; c’est cette prise de conscience qui nous met sur le chemin plus éclairé de la connaissance de soi. Il semblerait qu’aujourd’hui, la recherche de cette éducation inclusive qui nous concerne tous, passe par la reconnaissance de cette sphère. Toutes les approches qui visent une meilleure connaissance des émotions, des ressentis et de son être le plus intérieur travaillent en ce sens. Elles ont une incidence sur le climat de la classe, de l’établissement et sur la construction des sujets. L’école inclusive appelle à un retournement vers l’authenticité de l’être qui ne peut se satisfaire d’une course effrénée au paraître.

 

• Autisme en ligne.

L’INSHEA et la nouvelle École Farny proposent une plate forme en ligne pour se former et favoriser ainsi la scolarisation des élèves avec des troubles du spectre autistique. Les enseignants, les AESH, les parents trouveront là des ressources, des vidéos mais aussi les apports de la recherche en ce domaine.

Jean Philippe Garnier, maitre de conférences à l’INSHEA vous parle de cette plate forme. https://www.autisme-en-ligne.eu/