Textes de réflexion

. Les groupes de niveaux ne sont pas compatibles avec l’école inclusive.

La réforme phare présentée sous le mandat de Gabriel Attal  collecte de nombreuses critiques venant d’horizons différents: organiser les enseignements de français et Maths en classe de 6eme et 5eme en groupes de niveaux. Les intentions sont affichées : permettre aux bons élèves d’aller plus vite et mieux accompagner les élèves en difficulté

Notre nouvelle ministre, après de nombreuses consultations semble vouloir modifier le discours en utilisant le terme de groupes de besoins flexibles, en ouvrant la possibilité de dérogations en fonction des contextes et sous la responsabilité des chefs d’établissements et des équipes. Mais peut-elle piloter son ministère ?

Ce retour en force d’idées anciennes sur le plan pédagogique et éducatif est en contradiction avec la visée d’une école inclusive et d’une société inclusive. Certains, donc sans le dire, ou en affirmant de telles contradictions, entretiennent une posture idéologique et politique. Il ne déplait pas à de nombreuses personnes sans doute, de tout faire pour que les bons élèves ne soient pas entravés dans leur progression. Ils préfèrent entretenir un “entre soi” qui ne s’embarrasse pas d’une vision à plus long terme d’une société clivée dont on délaisserait une partie de la population… Ils ne souhaitent pas non plus s’attaquer vraiment aux difficultés réelles que rencontrent l’ école inclusive. D’ailleurs le terme “fourre tout” d’élèves en difficulté  employé dans le discours est significatif.

Cela rappelle d’anciens débats lors de l”industrialisation et de ces bandes de gamins ” assaillant” les villes …. Comment s’en protéger  était la question d’alors ?

Autres idées qui ont germé et se sont développées: les enfants handicapés ont besoin d’une éducation spéciale dans des lieux spéciaux… avec des personnes plus spécialisées. Les associations de parents créatrices de ces projets ont ensuite réalisé la dérive qui en découlait. Couper leurs enfants de l’école, c’était les couper à tout jamais d’une vie sociale et les reléguer dans des lieux “à part”… Comment a-t-on pu penser que mettre ensemble des enfants ayant des troubles du comportement ensemble pouvait leur permettre d’aller mieux ?

Comment peut-on penser aujourd’hui qu’organiser les classes de 6eme/5eme en classes de niveaux pour les enseignements de maths et de français permettraient aux élèves en difficulté de progresser ? Les “à part” spécialisés qui n’existaient plus dans l’école sont entrain de renaitre. Les parents des enfants affectés au groupe des faibles seront ils satisfaits d’une telle mesure?  et quand celle- ci semble s’assouplir en parlant de flexibilité des groupes, nous savons bien que cela ne jouera que pour quelques élèves, que cela produira des “drames” pour des élèves du groupe des “forts” rétro calés dans le groupe des “moyens”

Au delà des questions, voici quelques pistes de réflexion que nous souhaitons partager :

  • La visée d’une école inclusive ne  peut exister sans la vision d’une société inclusive.Or, voulons-nous une société inclusive ? Si le consensus de surface semble être là, tant de contre exemples du quotidien montrent une volonté de préserver les acquis d’une élite et non de  mettre les compétences de ces élites au service de tous.
  • L’école française se débat entre le rêve  d’une école égalitaire  et d’une école élitiste. En fait l’école égalitaire est un mythe car si nous sommes égaux en dignité et en droits, nous faisons l’expérience de l’altérité qui nous montre combien nous sommes différents sur tous les plans constitutifs de l’être humain. Il s’agit de penser une école équitable qui propose à tous des situations où les progrès sont possibles et valorisant.
  • Ne devons-nous pas avoir le souci de former des personnes qui mettront leurs talents au service du bien commun ? Talents dans le domaine conceptuel, relationnel, artistique, visionnaire …  Et aujourd’hui plus qu’auparavant, ces différents talents ont besoin de former une intelligence collective pour résoudre les situations complexes qui se présentent sous forme de dilemmes et de contradictions au prime abord. Si dès le collège , un “tri’ s’opère, comment ces “bons , excellents élèves” apprendront ils à vivre avec des camarades différents ? C’est bien la logique de compétition qui sera poussée à son extrême, or l’école inclusive est une école de la coopération et non de la compétition.
  • Cela renvoie aux théories de l’apprentissage. Apprendre nécessite de se confronter à d’autres représentations, d’autres formulations, d’autres procédures. L’approche socio- constructiviste a-t-elle été comprise ? Est-elle définitivement abandonnée au profit de d’une seule approche cognitiviste, plus mécaniste, s’appuyant sur le fonctionnement du cerveau et qui pourrait prétendre avoir toutes les réponses pédagogiques efficaces ?
  • La différenciation pédagogique  fait partie des gestes professionnels des enseignants. Certes elle ne résout pas tout non plus mais les pratiques enseignantes ont évolué et se sont adaptées , non sans  difficulté, à l’hétérogénéité des élèves dans les classes. Il nous faut aller plus loin maintenant vers l’accessibilité pédagogique et didactique qui permet de repérer les obstacles en amont, de proposer des chemins variés dans la présentation des informations, des moyens d’expression et d’évaluation, de fournir en tenant compte des obstacles des aides utiles à tous.
  • Ce qui entrave ces pratiques différenciées accessibles, c’est avant tout un effectif trop important… La mesure la plus simple serait alors de  limiter les effectifs des classes à 22 et d’accompagner les enseignants dans les pratiques pédagogiques, d’organiser des temps possibles de mutualisation, de recherche commune. Cela renvoie à la question de l’annualisation du temps de travail des enseignants. pourra-ton en faire l’économie?
  • Nous pouvons aussi organiser des groupes  avec un nombre d’élèves moins important. Ce serait une très bonne chose mais en  réfléchissant autrement à l’organisation de ces groupes en fonction des différentes étapes de l’apprentissage en cours. ( temps de découverte, d’entrainement, d’appropriation… )
  •  Comment organiser nos enseignements  en tenant compte à la fois de l’hétérogénéité des élèves ayant le même age, tout en maintenant des exigences , et en répondant à des besoins différents ? Il faut pour cela situer les besoins des élèves  et caractériser des typologies de besoins… Penser des regroupements différents inter âges, pendant cette période collège,  n’ouvrirait-il pas une issue à ces débats stériles d’un autre temps ?

Plutôt que d’imposer des “doctrines” ( mot très à la mode et très significatif) , nous croyons davantage en la responsabilité des équipes, à leur intelligence collective, à leur expertise du quotidien pour trouver des solutions ajustées à leur contexte.

• L’éducation inclusive et numérique : quelles convergences ?

Encore un dossier bien documenté de l’Ifé !
Si le numérique peut participer de l’émancipation et du pouvoir d’agir de tous les publics, qu’ils soient en difficulté, à besoins particuliers, en situation de handicap ou issus de minorités, ceci n’est pas un allant de soi. Ce Dossier, en interrogeant en quoi le numérique peut constituer un moyen et/ou un frein pour l’éducation inclusive, permet d’examiner les apports et défis des technologies dans une perspective inclusive. (…)

Au sommaire :

Le dossier :

Edu inclusive et numérique IFE

• L’approche inclusive… La voulons-nous vraiment ?

Selon les principes directeurs de l’UNESCO, l’approche inclusive « suppose la transformation et la modification des contenus, des approches, des structures et des stratégies, avec une vision commune qui englobe tous les enfants (…) »

Cette visée inclusive de l’école continue d’être en difficulté. Si des progrès quantitatifs peuvent être constatés, les changements pédagogiques, d’organisation de l’école ne sont pas au rendez-vous. L’école doit affronter les anciens modèles qui se fondent sur les logiques médicales, catégorielles, spécialisées. La vision commune qui englobe tous les enfants n’est pas partagée malgré la reconnaissance réelle du droit de tous les enfants à être scolarisé. En même temps, l’approche inclusive devrait pouvoir affirmer plus fort et plus clairement les incohérences et es empêchements liés au système éducatif français. en voici plusieurs:

  • L’organisation du système en classes d’âge cloisonne et entrave des développements si différents entre des enfants du même âge. Elle repose sur le principe de normalité et de standardisation. Ce qui est normal à tel âge … oui mais la réalité montre tout autre chose. Les classes de cycle qui pouvaient permettre cette souplesse ont été rares à fonctionner et le principe même du cycle va sans doute disparaître !
  • Les discours actuels d’un retour aux classes de niveaux, alors que toutes les recherches ont montré les effets négatifs de cette organisation, que ce soit pour les élèves qu’ils soient en difficulté ou non, et aussi pour les enseignants. Cette organisation installe au sein d’un établissement des lieux de stigmatisation et de ségrégation scolaire qui nourrira une violence en interne et qui se développe ensuite dans la société. Il existe de nombreuses possibilités de groupements d’élèves en fonction des objectifs poursuivis, des phases de l’apprentissage. L’école inclusive demande de la flexibilité et des propositions différentes. Tel élève en difficulté en mathématiques ne l’est peut-être pas dans d’autres disciplines. Figer une inscription dans une classe de niveau est contraire à la visée inclusive.
  • La transformation des contenus ne voit pas le jour. Les discours là aussi se réfugient dans le mythe des fondamentaux. Quels savoirs construire pour ce 21eme siècle ? Ou quelles stratégies développer chez les élèves pour être en mesure d’aller chercher les savoirs à mobiliser en fonction des situations rencontrées ? Comment apprendre à vivre dans monde rendu si complexe ? Comment être en mesure de répondre aux nombreux dilemmes qui se présentent que ce soit par rapport aux problématiques de développement durable, d’éthique, de mondialisation ?  Une légère avancée, peut-être, quand sont évoqués la mise en place de cours d’empathie ? La formulation cours d’empathie en elle-même est-elle possible ? Ne s’agit-il pas de vivre des expériences qui permettront de prendre conscience de nos relations, de nos expressions et postures, empathiques ou pas, constructives ou pas ? Ne faut-il pas plutôt donner les moyens aux équipes de vivre dans un climat serein, respectueux des élèves, avec la mise en place de lieux de paroles et de débat ?
  • Différencier au sein des classes les contenus d’apprentissage passe pour être illégal, ou fait craindre un nivellement par le bas ; or les plans et programmes aménagés demandent bien un ajustement des degrés de maitrise des compétences travaillées, ce qui permet une participation commune de tous à l’activité proposée et qui ne met nullement en danger ceux qui peuvent valider la totalité des objectifs fixés.
  • Les démarches d’enseignement en France restent très fortement marquées par la place faite à l’écrit et à l’oral. Elles ne sont pas suffisamment variées. Elles sont majoritairement inductives. Or, là aussi, les recherches ont montré qu’elles constituaient un obstacle majeur pour des élèves plus vulnérables.
  • Les modalités d’enseignement sont majoritairement magistrales, surtout dans le second degré ou tout du moins reposent sur des cours dialogués. Jean Pierre Astolfi avait cette formule : l’école est le seul lieu où celui qui sait pose des questions à ceux qui ne savent pas. D’autres approches qui mettent en œuvre une co construction du savoir, des approches de coopération au sein des classes montrent pourtant leurs effets bénéfiques, pour tous, et sont plus propices à une visée inclusive…

Il est nécessaire d’accompagner les équipes et les enseignants dans leur problématique de terrain : Comment différencier avec des classes de 35 élèves ? (Est-ce possible ?)  Comment transformer le métier en profondeur pour que la prise en compte des élèves à besoins éducatifs particuliers ne soit pas considérée comme une chose à faire en plus, mais bien étant constitutive du métier ? Comment faire quand dans une classe de 17 élèves, 10 ont un PAP… ?  Comment faire quand dans une classe de CP, il y a plus de 6 élèves avec des langues maternelles d’origine différente ? Les réponses ne peuvent pas être descendantes et injonctives. Elles ont à se construire avec les enseignants en fonction des situations. Elles reposent sur des valeurs partagées et explicitées et la mise en valeur de ce dont les pratiques témoignent déjà…

Dans ces points évoqués, certains relèvent de la volonté des équipes de chercher à développer des approches plus inclusives ; d’un climat favorable aux prises d’initiative ; d’une recherche collaborative entre les différents acteurs ; d’une plus grande confiance faite aux élèves pour qu’ils s’engagent aussi dans cette transformation.
D’autres niveaux de décision, ministériel, rectoral semblent parfois aller en sens inverse tout en prônant l’éducation inclusive. Comme il devient alors difficile de ne pas perdre le cap ! Que toutes ces expériences inclusives montrent les changements réalisés et leurs effets, les questions présentes… Le site Vers une école inclusive en sera le relais.

 

 

• Histoire du handicap

Patrick Fougeyrollas et son équipe canadienne propose en accès libre de visiter l’histoire du handicap pour mieux comprendre les représentations actives dans les mentalités et voir les évolutions qui ont marqué les différentes époques. Liée à la communauté francophone du Canada, ces documents, galerie de photos, articles témoignent des attitudes, actions menées au travers de différentes époques. Passionnant et éclairant!

Le handicap n’est pas une caractéristique de la personne mais le résultat situationnel de l’interaction entre une personne différente sur le plan corporel ou fonctionnel et un environnement physique et social spécifique. P. Fougeyrollas

A voir et consulter  sur https://histoireduhandicap.ca/

• Disney et l’inclusion

A voir ou à revoir, deux excellents films d’animation des studios Pixar (Disney…), métaphores de sociétés utopiques et décalées mais dont le  message est clair et explicite… pour toute la famille !

Une bande annonce de Zootopie (2016)

Une bande annonce de En avant ! (2020)

Logique intégrative et logique inclusive sont analysées et confrontées par le magazine en ligne TheConversation à travers ces deux films “tout publics”.

Le modèle éducatif français actuel, plutôt Zootopie ou En Avant ?

Tout produit culturel peut être à la fois le miroir d’une réalité sociétale, mais aussi une source de représentations qui perpétue des images stéréotypées. À quel point les villes françaises sont-elles proches de la métropole de Zootopie ? Qu’a-t-on conservé des dynamiques intégratives de la banlieue de En Avant ?

https://theconversation.com/comprendre-les-enjeux-de-lecole-inclusive-avec-disney-et-pixar-151125

 

• Égalité et école inclusive

Plusieurs rapports et commentaires soulignent ces jours l’importance des inégalités dans notre pays et la difficulté de l’école à dépasser les déterminismes sociaux, culturels pour permettre à chaque élève de développer le plus possible son potentiel. Le sujet de la mixité sociale est apparu mais semble déjà oublié.

Les liens entre milieu social, capital culturel  et réussite scolaire  sont avérés et donnent des chiffres qui démontrent comment notre école génère exclusion scolaire et plus tard exclusion sociale. Notre école républicaine ne met pas en œuvre le triptyque ” Égalité, liberté, fraternité”.

Pour voir les chiffres éclairants sur ce débat, vous pouvez consulter le dernier rapport publié, comme chaque année par l’observatoire des inégalités et particulièrement le chapitre sur l’éducation, et aussi le commentaire réalisé par Lilia Ben Hamouda, paru dans le café pédagogique le 9 juin 2023

Je partage avec vous plusieurs réflexions:

  • Les inégalités de destin, d’histoire, de trajectoire sont un fait mais le métier d’enseignant et d’éducateur pose comme postulat de départ de lutter contre ces déterminismes par une posture d’accueil, de recherche de compréhension de ce qui fait obstacle aux apprentissages, de ce qui limite la participation  de certains aux activités proposées, favorisant à long terme l’exclusion scolaire.
  • Les inégalités de territoire et d’établissement créent souvent à l’insu des équipes des ambitions différentes de réussite pour les élèves. Elles sont aussi liées à des pratiques pédagogiques  différentes mais toujours dans un système très académique et sélectif. L’école française navigue  entre école égalitaire et école sélective, paradoxe encombrant et clivant. Car, ne nous leurrons pas, cette école élitiste convient à beaucoup tandis que l’école inclusive  qui nécessiterait de quitter ces logiques sélectives et de privilégier une logique équitable continue de faire peur et d’être rejetée derrière un consensus politique  de façade.
  • Tout le système est encore orienté vers l’importance accordée au diplôme et ne prend pas suffisamment en compte les compétences développées.
  • Les enseignants, très nombreux interrogent  la notion de justice dans leur pratique, en particulier pour les évaluations. Les aides  nécessaires à certains  créent des débats entre élèves. La question soulevée dans un article de “The conversation” le montre bien.
  • La scolarisation des élèves en situation de handicap à l’école modifie, pas assez vite, certes, les pratiques pédagogiques. Le changement de regard, la compréhension des fonctionnements cognitifs, émotionnels, relationnels différents doit maintenant nous conduire plus loin pour modifier la forme scolaire, mettre en cause le principe de la classe d’âge et développer une logique équitable et de valorisation de toutes les compétences.  Au delà des élèves en situation de handicap, d’autres vulnérabilités d’apprendre sont bien là et  ne sont pas reconnues comme telles.
  • L’égalité est une égalité en dignité et en droits, fondement de la déclaration des  droits de l’homme et des textes qui ont suivi.
  • La médecine, comme l’école ne peuvent pas appliquer à chacun le même traitement au nom de l’égalité mais répondre au mieux aux besoins d’aide, d’assistance afin que chacun puisse participer et trouver sa place dans une société si riche de toutes ses diversités.

Bref, ne nous leurrons pas, l’école n’est pas égalitaire mais elle vise à être de plus en plus équitable et fraternelle. L’école inclusive n’est pas compatible avec une école élitiste qui privilégie des accès au Savoir réservés. Heureusement, de nombreux collègues cherchent et trouvent de nouvelles modalités et développent des accès pluriels, porteurs de motivation, de coopération et d’avenir.

 

 

 

 

• Norme, normalité et besoins éducatifs particuliers

Si nous avons toujours pensé que la norme en fonction d’un âge donné, et d’un niveau scolaire attendu était un obstacle majeur pour l’école inclusive, nous constatons une dérive actuelle bien importante celle de la demande  très forte de la particularité.  Examinez de plus près les chiffres de demandes d’aménagements dans vos classes,  vos établissements… et surtout leur progression spectaculaire…

La primauté du sujet et de son originalité sont des données qui aujourd’hui sont omniprésentes  et qui  pour être reconnues se tournent vers une médicalisation. Un diagnostic médical permet alors de revendiquer ce droit à aménagement. Et nous sommes, il me semble, en train de faire de la particularité la nouvelle norme. Si je ne suis pas “particulier’,  et si surtout ma particularité n’est pas reconnue, alors il y aurait une injustice.

Rappelons, qu’effectivement, le fait de considérer que tous les enfants apprennent à lire à 6 ans crée de nombreuses difficultés et est à l’origine de nombreux parcours scolaires difficiles. Les enseignants expérimentés et qui arrivent à rassurer les parents et les enfants , qui travaillent en équipe, peuvent accompagner au mieux ce passage entre la grande section et la fin du CE1 pour faire en sorte que cet apprentissage se réalise au mieux et que toute lenteur ou difficulté rencontrée ne conduise pas immédiatement à une médicalisation. Certes, il est demandé une vigilance dans l’observation de signes précurseurs de troubles ” dys” , mais il est aussi possible  de considérer que cet apprentissage fondamental ( en ce qu’il fonde le rapport au savoir et à l’école)  peut se réaliser à des rythmes différents.

Toutes les nouvelles connaissances sur le fonctionnement du cerveau et la vulgarisation nécessaire pour mieux comprendre tous les troubles constituent un immense progrès. Cela a permis une déculpabilisation importante, il n’y a pas de fautif mais un fonctionnement spécifique du cerveau. Là où nous sommes entrain d’aller trop loin, c’est sans doute de transformer  toute légère particularité en besoins éducatifs particuliers, que ce soit les parents ou aussi les enseignants. Le juste équilibre est difficile à trouver. Pour tout parent, son enfant est particulier. L’école est le lieu où se construit le rapport à l’autre dans un collectif qui se structure  et se développe au fil des années et de la maturité des élèves. il est indispensable de considérer que l’on apprend toujours avec d’autres, en étant semblables et différents.  Ce n’est pas la norme qui nous fonde dans notre similitude, c’est le fait d’être humain et d’avoir à vivre ensemble et à répondre ensemble aux différents besoins fondamentaux qui rejoignent les droits de l’enfant. Ce n’est pas non plus la compétition qui peut  prendre en compte à la fois similitude et particularité.

La dérive actuelle se situe donc dans le fait que la nouvelle norme est d’être particulier. Ce centrisme sur “moi, je ...”  peut conduire à transformer les enseignants en précepteurs, les parents en revendicateurs des droits aux aménagements , et les élèves à ne pas se sentir concernés si on ne s’adresse pas à eux en particulier…

Nous avons la possibilité de montrer une autre vision, plus humaniste, plus constructive, plus respectueuse aussi de rythmes différents, c’est d’interroger profondément ce que nous proposons :

– à un niveau macro , si nos ministres parlent d’une refondation de l’école, il nous faut envisager  une école qui ne fonctionne plus en classe d’âge mais s’organise autour de groupes de référence “projets multi âge”et de groupes de “constructions de compétences  et d’entrainement” plus cibles sur les besoins liés au développement cognitif. L’école du socle était dans ce sens une bonne idée, trop vite abandonnée et la mise en place des cycles n’a pas conduit à une organisation en classe de cycles ( ou bien rarement)  qui serait déjà un premier pas vers  cette reconnaissance de ce  ” être et apprendre ensemble, semblables et différents”.

– au niveau de l’établissement, il est possible de promouvoir une école de la coopération et de développer des pratiques qui fondent un collectif apprenant porteur d’un projet de réussite collective. Il est donc nécessaire d’interroger les pratiques qui classent, qui sélectionnent… Car derrière cette revendication parfois outrancière de la particularité se cache le désir que son enfant soit le meilleur , le premier… Nos prises de parole et nos actes peuvent beaucoup pour montrer qu’il n’y a pas de risque, au contraire, à développer des attitudes d’empathie, de coopération …

– au niveau de l’enseignant et de sa classe, les attitudes de mise en confiance, de reconnaissance de chacun et de pratiques pédagogiques qui autorisent des prises en compte de rythmes et de fonctionnement différents sont nécessaires pour ‘calmer le jeu” de cette nouvelle norme qui demande à s’imposer.

Il est clair cependant que certains  enfants ont des besoins d’aide très importants et qu’ils demandent effectivement une attention spécifique. Mais plus nous considérerons que dans toute classe, il y a des élèves qui peuvent être en difficulté de lecture, d’écriture, d’attention… et plus nous concevrons nos propositions pédagogiques en tenant compte de ces invariants, plus nous irons vers la mise en œuvre de l’accessibilité pédagogique qui permet  de répondre à ce vivre et apprendre ensemble, semblable et différent.

• Comment les contes parlent de handicap aux enfants

“Les contes de fées, qui sont réputés s’adresser aux enfants, évoquent a priori un univers merveilleux et la plupart d’entre eux s’achèvent sur un dénouement heureux ou estimé tel. Les pérégrinations des héros ont cependant pour objectif d’éduquer les jeunes lecteurs en les aidant à découvrir le monde social et le monde naturel. Ils n’évitent donc pas la confrontation avec le danger, le Mal, la faute. L’univers des contes inclut donc la trahison, la jalousie, l’égoïsme ou la cruauté ; il donne à voir la pauvreté, la violence, la mort.

Pour autant, on imagine plus difficilement qu’il puisse être question dans les contes de ce que nous appelons aujourd’hui « handicap ». Et pourtant, même si le terme n’est pas attesté au XVIIe siècle, l’infirmité, qu’elle soit physique ou mentale, est régulièrement représentée dans ces histoires qui en disent long sur la réception du handicap, voire sur la façon dont se construit l’image de la personne handicapée au sein de la famille et, plus largement, de la société. (…)

Pour lire l’article* sur le site de diffusion scientifique The conversation :
https://theconversation.com/comment-les-contes-parlent-de-handicap-aux-enfants-117118

* de Pascale Auraix-Jonchière, Professeur de Littérature française, Université Clermont Auvergne

• Quel regard les enseignants portent-ils sur l’école inclusive ?

Les enseignants favorables à l’inclusion scolaire et prompts à adopter des gestes professionnels soutenant l’apprentissage de tous les élèves ?
Mickaël Jury est Maître de conférence en psychologie à l’INSPÉ Clermont Auvergne.
Sur le site The Conversation, il relaie une méta-analyse (c’est-à-dire une étude combinant l’ensemble des études sur une question donnée) qui a mis en évidence que ce regard serait plutôt positif tout en étant teinté d’une certaine ambiguïté. Plus précisément, si les enseignants expriment des attitudes positives envers l’idée générale de l’éducation inclusive, ils expriment davantage de réticences à la mise en pratique de celle-ci dans leur propre classe…

en savoir plus sur le site The conversation

• Quand la peur détruit le bon sens…

A entendre dernièrement différentes situations, ou certains commentaires, il y a bien deux constats inquiétants à faire et qui interrogent le sens même de l’école inclusive.

– Le premier est celui de l’épuisement des enseignants et de leur découragement. Comment celui-ci peut- il être expliqué et être entendu ?

  • La situation sanitaire qui s’était calmée en ce début d’année est à nouveau problématique, entraînant des absences, non remplacées… des classes qui se ferment. Une zone d’incertitudes s’étend comme un paysage rempli de brouillard.
  • La difficulté parfois, à travailler en équipe, à sentir l’appui d’un collectif… Faute de temps, faute de moyens humains pour baliser ce travail.  Quant au soutien et à la compréhension des instances institutionnelles…
  • Le sentiment corroboré par les chiffres, d’une augmentation du nombre d’élèves avec des besoins particuliers à suivre dans chaque classe, est réel. Ce qui entraîne à la fois des questions sur la qualité de son propre travail, un sentiment d’impuissance et de découragement… Et pourtant, pour la grande majorité des enseignants, le désir d’accompagner tous les élèves au mieux est bien présent. Cela entraîne ensuite de nombreuses rencontres avec les parents. Lieux d’écoute, de confiance réaffirmée de part et d’autre mais aussi lieux de malentendus, de blessures ré ouvertes, de sans issue parfois. Cela entraîne aussi de nombreuses réunions d’équipes (éducative ou de suivi de scolarisation) dans lesquelles les différents partenaires se mobilisent ensemble au service du projet du jeune ; mais aussi des moments difficiles d’incompréhension, de positionnements non ajustés, de prises de pouvoir, de non reconnaissance de ce qui est vécu, travaillé par les uns et les autres… de trois pas en avant, de deux pas en arrière.
  • Comment alors répondre à cet épuisement ? Les moyens ne sont pas toujours là, et actuellement, il y a tant de lieux où nous sommes à la limite de l’acceptable. Mais n’avons-nous pas fait fausse route en sur personnalisant au lieu de repenser la classe autrement, de prendre en compte d’entrée de jeu les invariants présents (Il y a des élèves qui sont en difficulté de lecture, écriture, d’attention, de mémorisation, d’anticipation et planification…) afin de préparer supports, démarches adaptées, en concevant les séances rendues accessibles ? 
  • Il nous faut sortir de cette fuite en avant et croire que nous résoudrons cette situation en augmentant le nombre d’AESH. C’est bien une responsabilité collective qui est engagée et sans doute une transformation plus radicale de l’école qui doit être pensée. L’école inclusive doit se dégager de l’organisation en classe d’âge, d’un programme unique. D’autres formats pédagogiques peuvent fonctionner avec plus de flexibilité et de créativité.

Le deuxième constat est celui de la prédominance du modèle médical qui entraine avec lui, une sur catégorisation, une sur administration, une sur personnalisation et donc la poursuite d’une stigmatisation et d’un regard social qui ne change pas. Plusieurs exemples en disent longs.

  • Pourquoi monter un dossier MDPH lorsqu’une équipe éducative en accord avec les parents demandent un maintien justifié en grande section ?  Quand pourra-t-on mettre en œuvre une vérité de bon sens qui est celle de reconnaitre que tous les enfants ne se développent pas tous au même rythme et que certains peuvent avoir besoin d’un peu plus de temps, tout simplement…  On installe par cette procédure une désignation qui n’a pas lieu d’être, qui engrange une angoisse chez les parents, l’enfant bien sûr et les enseignants…
  • En classe de CM2, deux élèves bénéficiant du dispositif ULIS travaillent en mathématiques avec leur AESH. Ils sont placés un peu à l’écart des autres, pour pouvoir mieux travailler. En regardant de plus près cette situation, nous nous apercevons que l’AESH est là pour calmer d’éventuels gestes déplacés de l’un et un débordement émotionnel éventuel de l’autre.  Ces deux réactions ne se produisent que rarement. Pourquoi alors ne pas constituer autour de ces deux élèves, un petit groupe ? L’AESH pourrait alors être plus utile dans cette aide ainsi mutualisée. L’autre question posée par cette situation, est celle de la compréhension de ce qui semble être craint… ces élèves sont connus de leur camarade, de l’enseignant… Alors il s’agit simplement de faire avec. Je suis sure d’ailleurs que certains enfants auraient le comportement tout à fait ajusté à ces éventuels débordements.
  • Un enfant, grand prématuré, entre à l’école. il n’est pas propre. Le médecin rédige un certificat mettant en relation la grande prématurité et le fait que dans son développement, il n’a pas encore ses 3 ans et de faire un PAI … Me sont revenues les images d’une classe en Italie où il est tout à fait convenu que certains enfants ont encore des couches et que cela n’est pas dramatique… On leur apprend simplement à changer leur couche de façon autonome… et cet apprentissage se met en place tout seul.

Au travers de ces exemples, nous voyons bien que nous avons perdu notre bon sens … et un peu de notre humanité. Pourquoi ? Par peur… Il faut tout classifier et entrer dans des process qui garantiraient les actions menées. Mais qui garantit que les actions énoncées dans ces process ne comportent pas elles aussi leur part d’erreur ? Comment pouvons-nous faire à nouveau confiance ? Confiance en nous-même, en notre jugement, en notre créativité ? Confiance en l’autre ? L’école inclusive est une école humaine et non une école standardisée, normative, robotisée …

Ressaisissons-nous… vite.  Construisons des relations de compréhension et d’élargissement de notre vision… Nous trouverons les solutions au quotidien… en dialogue avec les parents, en collaboration avec toutes les ressources humaines de l’école, y compris celles que sont nos élèves… et prenons nos responsabilités pour regarder en face ce qui ne tient pas la route et ajuster nos réponses à nos valeurs, nos convictions. Inventons des contournements aux injonctions paradoxales qui maintiennent cette vision médicale et catégorielle et surchargent de travail et d’angoisse enseignants, parents et enfants.