Textes de réflexion

• Norme, normalité et besoins éducatifs particuliers

Si nous avons toujours pensé que la norme en fonction d’un âge donné, et d’un niveau scolaire attendu était un obstacle majeur pour l’école inclusive, nous constatons une dérive actuelle bien importante celle de la demande  très forte de la particularité.  Examinez de plus près les chiffres de demandes d’aménagements dans vos classes,  vos établissements… et surtout leur progression spectaculaire…

La primauté du sujet et de son originalité sont des données qui aujourd’hui sont omniprésentes  et qui  pour être reconnues se tournent vers une médicalisation. Un diagnostic médical permet alors de revendiquer ce droit à aménagement. Et nous sommes, il me semble, en train de faire de la particularité la nouvelle norme. Si je ne suis pas “particulier’,  et si surtout ma particularité n’est pas reconnue, alors il y aurait une injustice.

Rappelons, qu’effectivement, le fait de considérer que tous les enfants apprennent à lire à 6 ans crée de nombreuses difficultés et est à l’origine de nombreux parcours scolaires difficiles. Les enseignants expérimentés et qui arrivent à rassurer les parents et les enfants , qui travaillent en équipe, peuvent accompagner au mieux ce passage entre la grande section et la fin du CE1 pour faire en sorte que cet apprentissage se réalise au mieux et que toute lenteur ou difficulté rencontrée ne conduise pas immédiatement à une médicalisation. Certes, il est demandé une vigilance dans l’observation de signes précurseurs de troubles ” dys” , mais il est aussi possible  de considérer que cet apprentissage fondamental ( en ce qu’il fonde le rapport au savoir et à l’école)  peut se réaliser à des rythmes différents.

Toutes les nouvelles connaissances sur le fonctionnement du cerveau et la vulgarisation nécessaire pour mieux comprendre tous les troubles constituent un immense progrès. Cela a permis une déculpabilisation importante, il n’y a pas de fautif mais un fonctionnement spécifique du cerveau. Là où nous sommes entrain d’aller trop loin, c’est sans doute de transformer  toute légère particularité en besoins éducatifs particuliers, que ce soit les parents ou aussi les enseignants. Le juste équilibre est difficile à trouver. Pour tout parent, son enfant est particulier. L’école est le lieu où se construit le rapport à l’autre dans un collectif qui se structure  et se développe au fil des années et de la maturité des élèves. il est indispensable de considérer que l’on apprend toujours avec d’autres, en étant semblables et différents.  Ce n’est pas la norme qui nous fonde dans notre similitude, c’est le fait d’être humain et d’avoir à vivre ensemble et à répondre ensemble aux différents besoins fondamentaux qui rejoignent les droits de l’enfant. Ce n’est pas non plus la compétition qui peut  prendre en compte à la fois similitude et particularité.

La dérive actuelle se situe donc dans le fait que la nouvelle norme est d’être particulier. Ce centrisme sur “moi, je ...”  peut conduire à transformer les enseignants en précepteurs, les parents en revendicateurs des droits aux aménagements , et les élèves à ne pas se sentir concernés si on ne s’adresse pas à eux en particulier…

Nous avons la possibilité de montrer une autre vision, plus humaniste, plus constructive, plus respectueuse aussi de rythmes différents, c’est d’interroger profondément ce que nous proposons :

– à un niveau macro , si nos ministres parlent d’une refondation de l’école, il nous faut envisager  une école qui ne fonctionne plus en classe d’âge mais s’organise autour de groupes de référence “projets multi âge”et de groupes de “constructions de compétences  et d’entrainement” plus cibles sur les besoins liés au développement cognitif. L’école du socle était dans ce sens une bonne idée, trop vite abandonnée et la mise en place des cycles n’a pas conduit à une organisation en classe de cycles ( ou bien rarement)  qui serait déjà un premier pas vers  cette reconnaissance de ce  ” être et apprendre ensemble, semblables et différents”.

– au niveau de l’établissement, il est possible de promouvoir une école de la coopération et de développer des pratiques qui fondent un collectif apprenant porteur d’un projet de réussite collective. Il est donc nécessaire d’interroger les pratiques qui classent, qui sélectionnent… Car derrière cette revendication parfois outrancière de la particularité se cache le désir que son enfant soit le meilleur , le premier… Nos prises de parole et nos actes peuvent beaucoup pour montrer qu’il n’y a pas de risque, au contraire, à développer des attitudes d’empathie, de coopération …

– au niveau de l’enseignant et de sa classe, les attitudes de mise en confiance, de reconnaissance de chacun et de pratiques pédagogiques qui autorisent des prises en compte de rythmes et de fonctionnement différents sont nécessaires pour ‘calmer le jeu” de cette nouvelle norme qui demande à s’imposer.

Il est clair cependant que certains  enfants ont des besoins d’aide très importants et qu’ils demandent effectivement une attention spécifique. Mais plus nous considérerons que dans toute classe, il y a des élèves qui peuvent être en difficulté de lecture, d’écriture, d’attention… et plus nous concevrons nos propositions pédagogiques en tenant compte de ces invariants, plus nous irons vers la mise en œuvre de l’accessibilité pédagogique qui permet  de répondre à ce vivre et apprendre ensemble, semblable et différent.

• Comment les contes parlent de handicap aux enfants

“Les contes de fées, qui sont réputés s’adresser aux enfants, évoquent a priori un univers merveilleux et la plupart d’entre eux s’achèvent sur un dénouement heureux ou estimé tel. Les pérégrinations des héros ont cependant pour objectif d’éduquer les jeunes lecteurs en les aidant à découvrir le monde social et le monde naturel. Ils n’évitent donc pas la confrontation avec le danger, le Mal, la faute. L’univers des contes inclut donc la trahison, la jalousie, l’égoïsme ou la cruauté ; il donne à voir la pauvreté, la violence, la mort.

Pour autant, on imagine plus difficilement qu’il puisse être question dans les contes de ce que nous appelons aujourd’hui « handicap ». Et pourtant, même si le terme n’est pas attesté au XVIIe siècle, l’infirmité, qu’elle soit physique ou mentale, est régulièrement représentée dans ces histoires qui en disent long sur la réception du handicap, voire sur la façon dont se construit l’image de la personne handicapée au sein de la famille et, plus largement, de la société. (…)

Pour lire l’article* sur le site de diffusion scientifique The conversation :
https://theconversation.com/comment-les-contes-parlent-de-handicap-aux-enfants-117118

* de Pascale Auraix-Jonchière, Professeur de Littérature française, Université Clermont Auvergne

• Quel regard les enseignants portent-ils sur l’école inclusive ?

Les enseignants favorables à l’inclusion scolaire et prompts à adopter des gestes professionnels soutenant l’apprentissage de tous les élèves ?
Mickaël Jury est Maître de conférence en psychologie à l’INSPÉ Clermont Auvergne.
Sur le site The Conversation, il relaie une méta-analyse (c’est-à-dire une étude combinant l’ensemble des études sur une question donnée) qui a mis en évidence que ce regard serait plutôt positif tout en étant teinté d’une certaine ambiguïté. Plus précisément, si les enseignants expriment des attitudes positives envers l’idée générale de l’éducation inclusive, ils expriment davantage de réticences à la mise en pratique de celle-ci dans leur propre classe…

en savoir plus sur le site The conversation

• Quand la peur détruit le bon sens…

A entendre dernièrement différentes situations, ou certains commentaires, il y a bien deux constats inquiétants à faire et qui interrogent le sens même de l’école inclusive.

– Le premier est celui de l’épuisement des enseignants et de leur découragement. Comment celui-ci peut- il être expliqué et être entendu ?

  • La situation sanitaire qui s’était calmée en ce début d’année est à nouveau problématique, entraînant des absences, non remplacées… des classes qui se ferment. Une zone d’incertitudes s’étend comme un paysage rempli de brouillard.
  • La difficulté parfois, à travailler en équipe, à sentir l’appui d’un collectif… Faute de temps, faute de moyens humains pour baliser ce travail.  Quant au soutien et à la compréhension des instances institutionnelles…
  • Le sentiment corroboré par les chiffres, d’une augmentation du nombre d’élèves avec des besoins particuliers à suivre dans chaque classe, est réel. Ce qui entraîne à la fois des questions sur la qualité de son propre travail, un sentiment d’impuissance et de découragement… Et pourtant, pour la grande majorité des enseignants, le désir d’accompagner tous les élèves au mieux est bien présent. Cela entraîne ensuite de nombreuses rencontres avec les parents. Lieux d’écoute, de confiance réaffirmée de part et d’autre mais aussi lieux de malentendus, de blessures ré ouvertes, de sans issue parfois. Cela entraîne aussi de nombreuses réunions d’équipes (éducative ou de suivi de scolarisation) dans lesquelles les différents partenaires se mobilisent ensemble au service du projet du jeune ; mais aussi des moments difficiles d’incompréhension, de positionnements non ajustés, de prises de pouvoir, de non reconnaissance de ce qui est vécu, travaillé par les uns et les autres… de trois pas en avant, de deux pas en arrière.
  • Comment alors répondre à cet épuisement ? Les moyens ne sont pas toujours là, et actuellement, il y a tant de lieux où nous sommes à la limite de l’acceptable. Mais n’avons-nous pas fait fausse route en sur personnalisant au lieu de repenser la classe autrement, de prendre en compte d’entrée de jeu les invariants présents (Il y a des élèves qui sont en difficulté de lecture, écriture, d’attention, de mémorisation, d’anticipation et planification…) afin de préparer supports, démarches adaptées, en concevant les séances rendues accessibles ? 
  • Il nous faut sortir de cette fuite en avant et croire que nous résoudrons cette situation en augmentant le nombre d’AESH. C’est bien une responsabilité collective qui est engagée et sans doute une transformation plus radicale de l’école qui doit être pensée. L’école inclusive doit se dégager de l’organisation en classe d’âge, d’un programme unique. D’autres formats pédagogiques peuvent fonctionner avec plus de flexibilité et de créativité.

Le deuxième constat est celui de la prédominance du modèle médical qui entraine avec lui, une sur catégorisation, une sur administration, une sur personnalisation et donc la poursuite d’une stigmatisation et d’un regard social qui ne change pas. Plusieurs exemples en disent longs.

  • Pourquoi monter un dossier MDPH lorsqu’une équipe éducative en accord avec les parents demandent un maintien justifié en grande section ?  Quand pourra-t-on mettre en œuvre une vérité de bon sens qui est celle de reconnaitre que tous les enfants ne se développent pas tous au même rythme et que certains peuvent avoir besoin d’un peu plus de temps, tout simplement…  On installe par cette procédure une désignation qui n’a pas lieu d’être, qui engrange une angoisse chez les parents, l’enfant bien sûr et les enseignants…
  • En classe de CM2, deux élèves bénéficiant du dispositif ULIS travaillent en mathématiques avec leur AESH. Ils sont placés un peu à l’écart des autres, pour pouvoir mieux travailler. En regardant de plus près cette situation, nous nous apercevons que l’AESH est là pour calmer d’éventuels gestes déplacés de l’un et un débordement émotionnel éventuel de l’autre.  Ces deux réactions ne se produisent que rarement. Pourquoi alors ne pas constituer autour de ces deux élèves, un petit groupe ? L’AESH pourrait alors être plus utile dans cette aide ainsi mutualisée. L’autre question posée par cette situation, est celle de la compréhension de ce qui semble être craint… ces élèves sont connus de leur camarade, de l’enseignant… Alors il s’agit simplement de faire avec. Je suis sure d’ailleurs que certains enfants auraient le comportement tout à fait ajusté à ces éventuels débordements.
  • Un enfant, grand prématuré, entre à l’école. il n’est pas propre. Le médecin rédige un certificat mettant en relation la grande prématurité et le fait que dans son développement, il n’a pas encore ses 3 ans et de faire un PAI … Me sont revenues les images d’une classe en Italie où il est tout à fait convenu que certains enfants ont encore des couches et que cela n’est pas dramatique… On leur apprend simplement à changer leur couche de façon autonome… et cet apprentissage se met en place tout seul.

Au travers de ces exemples, nous voyons bien que nous avons perdu notre bon sens … et un peu de notre humanité. Pourquoi ? Par peur… Il faut tout classifier et entrer dans des process qui garantiraient les actions menées. Mais qui garantit que les actions énoncées dans ces process ne comportent pas elles aussi leur part d’erreur ? Comment pouvons-nous faire à nouveau confiance ? Confiance en nous-même, en notre jugement, en notre créativité ? Confiance en l’autre ? L’école inclusive est une école humaine et non une école standardisée, normative, robotisée …

Ressaisissons-nous… vite.  Construisons des relations de compréhension et d’élargissement de notre vision… Nous trouverons les solutions au quotidien… en dialogue avec les parents, en collaboration avec toutes les ressources humaines de l’école, y compris celles que sont nos élèves… et prenons nos responsabilités pour regarder en face ce qui ne tient pas la route et ajuster nos réponses à nos valeurs, nos convictions. Inventons des contournements aux injonctions paradoxales qui maintiennent cette vision médicale et catégorielle et surchargent de travail et d’angoisse enseignants, parents et enfants.

 

• Arrêt intempestif du site !

Rançon du succès ?
Votre site a été désactivé, suite à un piratage.
Notre belle page d’accueil avait été remplacée par un message d’erreur.

Tout est rentré dans l’ordre ce mercredi, grâce aux efforts conjoints du webmestre (moi) et des spécialistes d’OVH, notre hébergeur.

L’occasion d’apporter quelques améliorations, certaines pour la sécurité mais d’autres aussi pour faciliter la navigation et le partage d’articles sur vos réseaux préférés !
Pensez-y, on y gagne… en visibilité !

. École et Société inclusive ! L’une ne peut aller sans l’autre !

Il y a des mouvements de fond qui poursuivent leur cheminement malgré les obstacles, les différents aléas de surface. Il en est ainsi du courant qui consiste à poursuivre le développement de l’éducation inclusive au sein d’une société qui hésite à être inclusive.

Les données quantitatives montrent cette évolution. Voir, entre autres, les chiffres donnés dans l’article récent de Dominique Momiron ( Inspecteur de l’éducation nationale honoraire, ex conseiller pour l’école inclusive académie de Clermont-Ferrand). L’augmentation du nombre d’élèves en situation de handicap et du nombre d’AESH est bien là.[1] Mais cela suffit-il ? L’école inclusive ne peut pas se mesurer au nombre de plus en plus important d’AESH. Il est indéniable que leur présence et leur travail est indispensable. Mais penser et agir l’école inclusive relève de changement de représentations, de compréhension des différents processus d’apprentissage et de transformation des pratiques éducatives et pédagogiques.

En effet, si l’école inclusive prépare une société inclusive, elle ne peut se développer que si la société veut être une société inclusive. Pour cela, plusieurs changements dans les représentations ou dans les décisions/ actions doivent pouvoir se concrétiser, se donner à voir. Les discours bienveillants autour du handicap, qui semblent faire consensus, ne suffisent pas à rendre une société inclusive. Il nous faut apprendre à vivre en société inclusive, c’est à dire à prendre en compte toutes les formes de vulnérabilité qu’éprouvent tant de personnes et à prendre les mesures qui témoignent d’une solidarité effective.  Les discours actuels de pré campagne présidentielle ravivent des positions idéologiques et de repli identitaire qui menacent notre vivre ensemble.

L’école inclusive se doit de veiller à ne pas exclure au nom de différences portées par nos regards et nos à priori, et à ne pas catégoriser à outrance.[2] L’excès de diagnostic peut enfermer un élève dans des a priori limitatifs. Les excès de diagnostics peuvent enfermer l’école dans une sur catégorisation qui l’éloignerait de sa visée inclusive.  Si dans un premier temps, il a été nécessaire de « forcer » le changement de cap, aujourd’hui il est temps de valoriser et d’expliciter les pratiques existantes d’écoute, d ‘observation, d’adaptations pédagogiques, les expériences de terrain qui témoignent de toute une recherche des différents acteurs pour mieux prendre en compte les besoins particuliers des élèves.

Dans cette période troublée qui se poursuit, chacun de nos discours, de nos actions peut contribuer ou pas, à maintenir le cap d’une école inclusive dans une société inclusive ou au contraire faire advenir une société non inclusive qui se passera alors d’une école inclusive !

Soyons conscients de ces enjeux actuels face aux peurs qui surgissent. Il y a nécessité d’un regain de convictions à porter en soi et en équipe pour guider le travail quotidien auprès de tous les élèves qui nous sont confiés. Il nous faut témoigner plus que jamais de ce qui se vit dans les classes, se produit dans les parcours individuels des élèves, des enseignants et de leurs parents. Il nous faut trouver le moyen d’expliciter ces avancées qualitatives qui décrivent des « bouts » de réalité qui mis « bout à bout » construisent une école que nous n’aurons plus besoin de nommer « inclusive » !

Véronique POUTOUX, le 3 octobre 2021.

[1] Pour rappel, D. Momiron, prend en compte le nombre d’élèves ayant une notification d’aide humaine.En 2016, Sur 118 000 élèves en situation de handicap, 26 000 ont une notification d’aide humaine soit 22%.. En 2015, sur 280 099, 124 800 ont eu une notification d’aide humaine, soit 45%. En 2020, sur 386 500, 224 237

[2] Notre bureaucratie est pourtant championne pour nous soumettre des protocoles catégorisant qui réussissent parfois, à ôter aux enseignants, aux équipes, leur réflexion, leur bon sens et leur capacité à agir.

• Lire pour apprendre, lire pour comprendre

La dernière note IFE, écrite par Marie Gaussel  fait le point sur l’état des connaissances sur la question de la lecture. Quels sont les différents mécanismes cognitifs mis en œuvre ? Les différents concepts de la compréhension en lecture et les différentes stratégies ? Comment construire les différentes compétences littéraires ? Les perspectives  s’orientent donc dans une approche transactionnelle et interactive de la lecture.
A lire absolument ! LIRE POUR APPRENDRE NOTE ife

• Le coenseignement ? Y voir plus clair !

Marie Toullec-Théry et Philippe Tremblay publient ” Le Coenseignement : Théories , recherches et pratiques”.
Nous connaissons bien les travaux de ces deux auteurs et savons comment leur réflexion est étayée et éclairante pour les pratiques d’enseignement inclusives.

      “Le coenseignement est défini comme un travail pédagogique en commun, dans un même groupe et
dans un même temps, de deux ou de plusieurs enseignants se partageant les responsabilités éducatives pour atteindre des objectifs spécifiques (Tremblay, 2012). Cet ouvrage a l’ambition de faire un point sur ce que l’on sait déjà à propos du coenseignement, de ses intérêts, de ses avantages comme de ses limites. Le propos ne se limite pas seulement aux fondements sociohistoriques, aux définitions et aux configurations du concept, mais s’intéresse aux conditions de mise en œuvre effectives, en n’oubliant pas le travail préalable de planification. Notre préoccupation est aussi d’exemplifier cette synthèse, fondée sur des résultats de recherches, par des pratiques effectives et des discours de coenseignants, qu’ils se trouvent en France, en Suisse, en Belgique ou au Québec.”
Divisé en dix chapitres, cet ouvrage intéressera, au premier plan, les étudiants en

sciences de l’éducation, les enseignants et les directions d’école souhaitant s’engager dans cette transformation de l’École ou simplement intéressés par cette question.

A lire donc...
le sommaire met déjà en appétit…

• Les mots avant-gardistes des évolutions, les écoutons-nous ?

Les mots et expressions changent et peu à peu s’installent, se répandent, se remplacent, se parlent sans que nous ne mesurions forcément ce qu’ils contiennent vraiment. Ils portent en eux-mêmes, en avant garde des changements de représentations, de pratiques… De nouveaux mots peu à peu s’imposent, d’autres s’oublient.

Mais pour nous qui les utilisons, avons-nous toujours conscience de tout ce qu’ils contiennent ? Ne les détournons-nous pas pour les cantonner à nos territoires de pensées connus ? Au final, nous ne les laissons pas agir vraiment et porter les changements qu’ils contiennent.

Ainsi, par exemple, intégration et inclusion, handicap et besoin éducatif particulier, école inclusive et éducation inclusive …

  • Intégration, inclusion… A l’école élémentaire, les classes de perfectionnement deviennent des CLIS (Classe d’intégration scolaire) en 2002, et des ULIS (Unités localisée pour l’inclusion scolaire) en 2015.Les élèves en situation de handicap peuvent être “intégrés” en classe ordinaire, ou en CLIS, selon la bonne volonté des équipes enseignantes et c’est à l’enfant de s’adapter à l’école. L’ULIS marque le passage fort de lieux séparés et plus ou moins fermés dans l’école à un dispositif souple, ouvert. La CLIS traite les difficultés, répare, permet à l’élève de s’adapter à l’école. Elle est comme une structure qui marque cette logique encore à l’œuvre de la séparation, et de la réparation.  L’ULIS doit apporter des ressources aux enseignants, aux éducateurs, aux élèves pour que ceux-ci puissent participer au mieux aux activités proposées au sein du groupe classe. L’ULIS doit faciliter l’inclusion globale de l’élève qui a des besoins éducatifs particuliers. Il ne s’agit pas seulement de réaliser des “inclusions” dans la classe de référence par doses plus ou moins grandes en fonction des possibilités de l’élève ou de l’acceptation par les enseignants des demandes du coordonnateur. Il s’agit de concevoir les aides les plus ajustées aux besoins de l’élève dans les différentes situations rencontrées au cours d’une journée de classe, d’une année d’école. Les enseignants font toujours au mieux dans le système dans lequel ils sont. Certains précurseurs, analysant leurs pratiques et voyant les dérives, tentent de faire advenir de nouvelles pratiques qui sont interrogées par les chercheurs et conduisent à des changements profonds… Ce sont les pratiques dans un contexte donné qui amènent les évolutions d’idées et d’aspirations. Loin de moi l’idée de critiquer ce qui a été proposé pendant un temps aux enfants des CLIS ; mais la question est celle du changement et des résistances qui se développent, cultivent des nostalgies et ne comprennent pas les mots qui portent ces évolutions. Ainsi avec le mot inclusion, le sigle ULIS, d’autres mots émergent tout aussi importants tels que participation, aides, accessibilité.
  • L’école inclusive est cette école qui scolarise tous les élèves, et tente de développer des situations d’enseignement/apprentissage qui favorisent la participation de tous en mobilisant au mieux toutes les ressources, celles de l’élève lui-même, des élèves, des enseignants pour que chacun développe au mieux son potentiel et puisse à terme trouver sa place dans une société devenue inclusive. Il n’y a plus un enseignant par classe, ou un enseignant par matière, mais une équipe responsable de la participation de tous les élèves aux propositions éducatives et pédagogiques. Ce ne sont plus les “ULIS” , expression pour désigner les élèves de l’ULIS, c’est Antoine qui est en 4eme et qui bénéficie des ressources que peut lui apporter le dispositif ULIS. L’école inclusive doit mettre en œuvre une éducation inclusive, qui est plus globale, qui considère chaque être humain au-delà de ses seules performances scolaires, ou plus tard professionnelles, qui prend en compte ses intérêts, ses talents particuliers, ses fragilités aussi. Si nous voulons effectivement développer au sein de l’école et de la société, une éducation inclusive, cela demande de reconnaître que les parents, les copains, les personnels médicaux, para-médicaux, les AESH (Assistant d’éducation pour les élèves en situation de Handicap) sont des acteurs à part entière de ce défi. Cela demande de réaliser que les seuls apprentissages “scolaires” contribuent avec d’autres situations à entretenir toujours le moteur de l’apprendre qui fonde l’être humain. Entendons-nous bien, apprendre, ici désigne toute situation vécue de laquelle je vais développer un nouveau savoir, savoir-faire ou savoir être… Et c’est bien dans ce développement que se construit chaque individu. Si les atteintes physiologiques, psychiques, relationnelles… sont très importantes, l’éducation inclusive vise à créer du développement, de la croissance en dehors des formats normatifs, en nous obligeant à regarder ailleurs et autrement la personne, à concevoir un environnement qui permette au sujet d’advenir tel qu’il est et aux autres personnes de vivre avec lui ou elle comme une personne. Nous le voyons, cela suppose de partager des valeurs humaines de respect, de dignité, de reconnaissance de l’altérité. L’éducation inclusive n’est pas uniquement là pour apporter un mieux-être aux enfants et aux personnes en situation de handicap mais bien pour éduquer chacun de nous à ce nouveau regard, à une autre façon d’entrer en relation, à nous permettre de vivre pleinement ces valeurs de fraternité, de fragilité partagée, et de création toujours renouvelée.

Nota bene : cet article est paru sous forme d’édito en mars 2019. il nous a semblé utile de le reproposer à la réflexion commune.

• Des parents invisibles : l’école face à la précarité familiale

Nous rappelons que l’école inclusive est une école qui tente de ne plus exclure et qui scolarise tous les enfants en répondant au mieux aux besoins de ceux qui pour quelque raison rencontrent des difficultés à l’école.

La précarité, grande précarité, renforcée par cette crise sanitaire est soit totalement présente dans les écoles, soit étrangement ignorée.

Dominique Glasman, propose dans la Revue française de pédagogie, un article qui répondra à de nombreuses questions de terrain sur ces “parents invisibles” que nous cherchons tant à rencontrer. Il propose l’analyse du livre de Pierre Périer “Des parents invisibles, l’école face à la précarité familiale.”(PUF 2019)

A lire, si nous voulons mieux comprendre ce qui se joue pour ces parents.

“Il s’agirait moins de former cadres et enseignants aux «techniques de communication» avec les parents qu’à l’analyse et la compréhension des positions, des logiques, dans lesquelles sont pris les parents, et en particulier ceux des milieux précaires. Ceux-ci souhaitent la réussite de leurs enfants et vivent souvent dans des conditions qui, en dépit des invitations, des appels ou des injonctions de l’école, rendent très difficile d’y répondre ; ils se sentent démunis pour le faire, et n’ont plus, pour se préserver, que la solution du maintien à distance, faisant d’eux des «parents invisibles».

L’article de Dominique Glasman