Inédit ! Il n’y a plus d’école !

L’annonce est tombée hier soir… De la crèche à l’université, les rideaux seront fermés dès ce lundi et les échos joyeux de la cour de récréation que j’entends encore aujourd’hui vont disparaître.

Bien sûr, nous comprenons, plus ou moins, les raisons invoquées et nous entrons donc dans une période inédite… Que se passe-t-il dans un pays, dans des pays, au travers du monde quand les écoles ne réunissent plus en leur sein toute la jeunesse, et tous les enseignants ?

Si les moyens aujourd’hui, à notre disposition, d’espaces numériques de travail existent, si les enseignants ont déjà bien l’habitude de préparer leurs cours et exercices sur ordinateurs et qui sont donc facilement transmissibles, il y a un irremplaçable qui va être mis en lumière.

L’école structure et régule une société et si de nombreux reproches sont faits aujourd’hui, les élèves vont regretter de ne plus voir leurs copains, leurs enseignants. Car toutes ces relations font partie de la vie et ont pour chacun une grande importance.  Absence mal vécue par certains, déjà, lors des périodes de vacances.

Ce qui change ici, c’est que dans un climat très anxiogène, le cadre que propose l’école pour rassurer disparaît. Le repère commun qui structure la société s’efface. Certains ne mourront pas du covid 19 mais peut-être d’un isolement forcé, d’une aggravation d’états dépressifs.

La continuité pédagogique voulue et recherchée s’appuie sur l’autonomie des enfants et selon l’âge, la capacité à s’autoorganiser, elle sera très différente. Elle s’appuie aussi sur des équipements informatiques disponibles dans les foyers et dont la maintenance peut être vérifiée par un membre de la famille. Enfin, bien sûr les facilités données aux parents pour garder leurs enfants (et c’est normal) ne prend pas en compte les disparités de logements, de cadres de vie, de compétences parentales pour accompagner les écoliers, collégiens et lycéens dans leur suivi scolaire. De fait, cette continuité risque bien d’être plutôt une discontinuité très discriminante pour toute une partie de la population.

Cela va produire deux choses :

  • Creuser les inégalités entre les enfants. Fragiliser encore plus … les élèves en difficulté, en situation de handicap, de grande précarité… Quid des accompagnements spécifiques proposés par leurs enseignants ?
  • Permettre de réaliser que l’école est un bien commun précieux auquel nous tenons et dont nous devons prendre soin ensemble. Si nous devons sans cesse chercher à l’améliorer, il n’en est pas moins vrai que nous ne pouvons la décrier sans cesse, au risque de scier la branche sur laquelle nous sommes assis.

Les enseignants vont continuer d’être présents, mais autrement. Il nous faut être particulièrement attentif aux situations familiales à risque, parents isolés avec plusieurs enfants qui devront en plus des soins habituels, assuraient le suivi scolaire et comprendre ce qui est demandé dans les différents supports de substitution proposés ; aux situations de nos élèves les plus fragiles qui vont perdre, encore plus, leurs repères.

Oui, il se passe quelque chose d’unique qui interroge chacun sur notre condition humaine, notre commune destinée, l’avenir que nous voulons construire. Ce temps qui va s’organiser différemment peut permettre une réflexion en vérité sur ce qui est essentiel, vital et nous obliger à sortir de nos schémas d’actions habituelles, basés sur un individualisme qui, ici, ne résistera pas. Ce temps peut aussi permettre aux équipes de mutualiser des outils, des expériences, d’avancer sur des projets pédagogiques. (Une fois passés ces premiers jours nécessaires à l’organisation de cette “continuité pédagogique)

Que naissent, et elles sont déjà en train d’éclore, de nouvelles initiatives d’accompagnement, de solidarités locales et d’autres modalités de travail qui n’oublient pas les plus fragiles ! Que cette période ne produise pas une régression dans tout ce qui est développé au service d’une éducation inclusive mais au contraire en montre encore plus la nécessité pour tous et ouvre de nouvelles modalités de collaboration, de liens avec les familles.

Véronique Poutoux, rédactrice en chef, le 13 mars 2020.