Au-delà de tous les questionnements légitimes qui se posent en cette rentrée, ne faut-il pas rappeler que chaque classe est avant tout un collectif qui va se découvrir en ce début septembre, va se construire et vivre de longs moments ensemble, enfants, adolescents et adultes ?
Les premières heures passées ensemble ont pour chacun un impact fort… en termes d’énergie, d’anxiété, de plaisir, d’intérêt… de découvertes mutuelles, de place faite à chacun, de mise en relief des particularités et de ce qui nous réunit.
Les enseignants en maternelle et dans les petites classes y prêtent sans doute une attention plus particulière mais comment à tous les niveaux de la scolarité faire une place à tout ce qui pulse en chacun ? Ce qui nous habite pleinement et qui ressemble au non visible des icebergs… Ce qui en fait, est exclus, comme si cela n’existait pas. Comment mettre en mouvement tous ces cœurs, favoriser leur ouverture, permettre que les fonctions cognitives, si reliées au monde intérieur, émotionnel de chacun soient dans les meilleures conditions ? Comment contribuer ainsi à développer l’intégralité de chacun, dans sa vulnérabilité propre et ses forces non quantifiables mais non moins essentielles.
A chaque enseignant d’assurer ce que nous pouvons nommer un climat sécure, où les règles du vivre et apprendre ensemble, semblables et différents, sont connues, détaillées, servent de référence. Des réflexions d’enfants cet été m’ont interpellé. Elles énoncent des angoisses particulières, si je ne retrouve pas ma place, ma classe ? Si je ne sais plus quel cours va suivre ? Si je n’ai pas pris mes bons cahiers ? Mais aussi, elles disent leur attention à la justice, et à leurs camarades les plus en difficulté, leur empathie tout à fait présente… (les cours d’empathie ont-ils déjà eu autant d’effet ?) En tant qu’adulte, nous n’imaginons pas toujours la richesse des réflexions, le bon sens possible et tout ce monde intérieur si riche, si vivant qui habite le cœur, l’esprit de nos enfants. Nos propres peurs nous empêchent de laisser s’installer la confiance nécessaire mutuelle pour un vivre ensemble apaisé. Entre posture de contrôle excessive, dictée par nos peurs et laisser faire, la posture de l’enseignant accompagnateur qui s’appuie sur les ressources des élèves est celle qui favorise compréhension, écoute et responsabilité de tous.
La mise en projet de la classe pour l’année est essentielle : mise en projet à laquelle les élèves seront partie prenante. Qu’apprendrons-nous ensemble ? Que ferons-nous ensemble ? Comment se dérouleront nos journées ? Quelles sont les limites que nous devons tous respecter ? Que pouvons -nous construire ensemble… Ce début d’année est vraiment le moment clé pour mettre en avant le respect de chacun dans ce qu’il manifeste et dans le non manifesté, la coopération constitutive du vivre ensemble.
Reconnaitre les cœurs battants en chacun, mystérieux, pour ne plus exclure cette part fondamentale de l’être humain, c’est bien travailler à une éducation intégrale qui ne sert pas la compétition individuelle mais la recherche commune du développement des qualités de chacun à épanouir dans un collectif coopérant, sécure et dynamisant. L’école inclusive nous oblige à cet autre regard, à cette vision intégrale de la personne.
C’est dans nos actions quotidiennes, que les enseignants, les parents, les éducateurs réveilleront le meilleur en nous : « le rire des enfants, le songe des amants, la patience des misérables, le génie des mères. » (C. Bobin Extrait entretien avec F.Busnel dans La grande librairie) … « Il s’agit de faire revenir le sang dans le tout de cette société… quelque chose entre résurrection et insurrection. »
Véronique Poutoux, le 29 août 2025.