Voilà le texte que je rédigeais à la demande du Secrétariat de l’enseignement catholique en Juin 2025 en cette année de l’anniversaire des 20 ans de la Loi. Il est bien sûr toujours d’actualité.
Interroger le système actuel
Comment dépasser les constats partagés et mitigés autour des effets produits, de ce qui a changé, de ce qui a stagné ? Comment entrer dans une nouvelle perspective d’une école pour tous ? Comment mettre en œuvre l’acte II de l’école inclusive ?
Il faudrait bien sûr interroger, bousculer le système actuel…
Il serait nécessaire de s’accorder sur un projet de société qui voudrait que son école soit équitable, qu’elle soit fondée sur la coopération plutôt que la compétition…
Il s’agirait d’une école qui s’éloignerait de la norme, d’une organisation en classes d’âge, en emplois du temps peu flexibles, qui mettrait en œuvre des modalités d’enseignement différentes, qui cesserait de donner le primat aux évaluations certificatives et revisiterait les contenus d’enseignement…
Tout cela sera long et repose sur des décisions politiques courageuses et éclairées. Pour autant, les initiatives des différents acteurs qui font évoluer à bas bruit les pratiques, travaillent à ce projet humaniste qui vise le développement du plein potentiel de chaque personne dans toutes ses dimensions et dans une altérité reconnue comme essentielle.
Vivre et apprendre ensemble, semblables et différents… Telle pourrait être la ligne directrice.
Alors quelles directions se donner dans nos établissements, auprès des équipes, dans les diocèses, au sein des réseaux congréganistes ?
- Tout d’abord faire revivre une animation pédagogique du quotidien, en faire le cœur du réacteur des établissements. Mobiliser de petites équipes qui développeront l’accessibilité pédagogique, en diminuant la personnalisation et la remédiation mais en cherchant les obstacles en amont et en proposant des aides pour tous. Pour cela, faire un état des lieux et valoriser les savoirs expérientiels accumulés depuis 2005 au travers des aménagements et des divers projets mis en place (PAP, PPRE et PPS ) Accompagner des temps d’analyse des activités proposées aux élèves et apprendre à concevoir des séances rendues accessibles pour tous. Promouvoir auprès des familles une politique « d’aménagements maison » pour tous avec des pratiques pédagogiques qui visent la participation de chacun au sein d’un collectif à géométrie variable.
- Il y a aussi à viser la transformation d’un collège « unique » en un collège pour tous où différents parcours seraient possibles et contribueraient à la construction de la personne pour une orientation choisie.
- Dans ce processus de développement de nos jeunes, les liens avec les possibles de l’insertion professionnelle sont à étoffer ; à construire parfois, à inscrire vraiment dans un travail d’accompagnement et de « sur mesure ».
- Dans le domaine de la formation, la question de l’accessibilité pédagogique doit devenir centrale. Il ne s’agit plus trop « d’enseigner » les dispositifs réglementaires mais de coconstruire des séances d’enseignement qui permettent à chacun de « participer » en proposant des aides. Les transformations actuelles de la Formation Initiale, bien que proposées dans l’urgence, permettront sans doute de s’emparer de cette question de l’accessibilité, de la recherche d’obstacles dans les dimensions pédagogiques et didactiques.
En formation continue, il s’agit d’accompagner un travail de terrain portant sur le cœur du métier dans l’analyse des consignes, des activités pédagogiques, des séances… Proposer à des enseignants volontaires des temps et des méthodologies d’analyse sur lesquelles ils pourront s’appuyer et contribueront à essaimer ces changements de vision auprès de leurs collègues. Des initiatives comme des « Résidences de formation» sont à explorer. - Enfin nous assistons déjà à une véritable transformation des appuis du médico-social. L’enseignement Catholique se doit d’être pro actif dans les territoires : connaître les ressources possibles ; au-delà des aspects institutionnels (importants certes) faire connaissance avec les personnes… Ne sommes-nous pas des promoteurs des personnes ? Oser construire des projets qui permettent aux jeunes de se rencontrer, de vivre des événements ensemble… L’acte II de l’école inclusive ne se fera que si nous sommes convaincus que tout jeune a sa place à l’école et que cela va demander d’inventer, d’articuler autrement ressources spécialisées et ressources ordinaires afin qu’elles soient toutes au service de l’école. Les EMASCO et les PAS vont dans ce sens. A nous de dépasser une vision campée sur la seule présence des AESH3, sur un cloisonnement entre les différents soins produisant des emplois du temps peu respectueux des jeunes et des familles. Osons d’autres relations avec les instituts médico-sociaux.
Finalement, rien ne pourra se faire sans une confiance accordée aux acteurs de terrain accompagnés, sans imaginer de nouvelles modalités de travail pédagogique, et d’organisations plus modulaires et flexibles.
Rien ne pourra se faire si nous ne cherchons pas à transformer les liens entre établissements scolaires et instituts spécialisés, entre écoles et monde du travail.
Ce défi d’une école pour tous demande de nouvelles audaces pour travailler à un projet d’une société fraternelle qui met en mouvement altérité, identité et diversités. Une belle dynamique pour aller vers l’essentiel, non ?
1 PAP : projet d’accompagnement personnalisé/ PPRE : programme personnalisé de réussite éducative/ PPS : projet personnalisé de scolarisation)
2 Sur le principe des « Résidences d’artistes » se crée un projet d’accompagnement régulier sur place et de co-construction des réponses : observations mutuelles analysées, auto-confrontations…
3 EMASCO : Equipe mobile d’appui à la scolarisation/ PAS : Pole d’appui à la Scolarité/ AESH Accompagnant