Repères

Parce que nous avons tous besoin de balises, de points d’ancrage, ces pages sont destinées aux articles de réflexion, aux sorties de publications et aux incontournables textes officiels.

• Vous avez dit autonomie ?

Il est intéressant de voir dans les évolutions traversées autour de l’école inclusive, les mouvements de balancier présents et comment alors que nous poursuivons ce projet de l’éducation inclusive, des dérives s’installent.

Nous avions montré que les premières approches pour scolariser les élèves en situation de handicap, prônaient toutes la personnalisation des parcours, en faisaient une condition sine qua non. Dans tous les textes et rapports de recherche, la personnalisation des projets était le passage obligé et se déclinait suivant les pays de différentes manières, en situant les niveaux de responsabilité différemment, en se référant de près ou de loin au curriculum général ou pas. Puis appuyée par la logique du droit cette tendance s’est confirmée et a produit des effets négatifs non attendus, comme la sur stigmatisation, le renforcement des catégories pour savoir de quel type de projet relevait cet élève. Ceci est particulièrement vrai en France, où la clarification apportée depuis trois ans est intéressante, mais quid de celui qui est juste à la limite entre PAP et PPS qui a de plus un PAI ? Dans le quotidien des classes, les enseignants peuvent constater que certains élèves refusent les aménagements prescrits, ou que des parents demandent toujours plus.

Il en est de même sur la question de l’autonomie que nous définissons comme cette capacité de l’être humain à entreprendre des actions par lui-même en se donnant ses propres règles de conduite. Si la recherche d’une autonomie maximale, pour tout un chacun est bien un but en soi, il ne faudrait pas oublier avant tout que de notre naissance à notre mort, nous passons par des moments d’autonomie restreinte où nous devenons dépendants. Notre capacité d’altruisme prend le relais, soulevant dans notre époque bien des questions.  Du nourrisson nécessitant tous les soins si importants dans son début de vie aux vieillards en fin de vie, nous pouvons, la plupart du temps compter sur ce relais par autrui et accepter plus ou moins facilement, cette réduction de notre autonomie acquise.

De l’école maternelle au lycée, ce terme d’autonomie est le sésame de la réussite scolaire. Avant même de penser à ces élèves qui ont des besoins plus importants d’aide, réfléchissons à cette exigence que pose l’école dès les premières années.  Car cette question se trouve au croisement des pratiques éducatives parentales et des pratiques éducatives scolaires. Combien de jugements portons-nous sur des enfants qui ne sont pas autonomes, parce qu’à la maison, les parents pour des raisons qui leur appartiennent, font beaucoup à la place de leur enfant ? Si, bien sûr, l’éducation vise à ce que chaque enfant devienne autonome, responsable, nous devons faire attention à ne pas porter de jugement réprobateur sur ces pratiques familiales et nous devons aussi nous interroger sur les situations pédagogiques, éducatives que nous proposons pour apprendre cette autonomie. Cela passe par des aides proposées qui peu à peu ne seront plus utiles, mais indispensables dans un premier temps pour tous, puis différenciées au fur et à mesure de la scolarité pour certains. L’organisation de l’agenda, la préparation du cartable, la mise en route sur un travail donné, la préparation d’un exposé… Tout cela s’apprend et c’est bien le rôle de l’école que de mettre en place les conditions de ces étapes de construction de l’autonomie. Nous le voyons le manque d’autonomie ne peut être un motif d’exclusion des apprentissages. D’autre part, cette expression « il, elle manque d’autonomie » est un constat général sur lequel la plupart du temps, nous n’apportons pas de solution. Il nous faudrait préciser dans quelles situations s’observe un besoin d’aides.

Depuis 2005, la question de l’autonomie s’est transformée puisque certains élèves du fait de leur handicap, ont justement besoin d’aides pour pouvoir participer pleinement à la vie de l’école, de la classe.  Nous pourrions dire que justement ces élèves ne sont pas complètement autonomes et que la question posée à l’école est bien celle des aides progressives à mettre en place pour viser leur plus grande participation possible. Les AVS puis aujourd’hui les AESH connaissent ce questionnement. Comment situer cette aide humaine, l’ajuster au mieux selon les moments, les évolutions, les réactions des jeunes ? Une tendance tout à fait humaine et louable peut conduire aussi à une surprotection et tout le travail des AESH repose en partie sur ce doigté fin et délicat pour ajuster les curseurs : quand cet élève peut-il faire tout seul ? Quand faut-il l’aider ? Tous les travaux de Marie Toullec-Théry ont apporté des éclairages très intéressants sur cette question, regardant très finement, les positions de l’AESH, de l’enseignant, de l’élève …

Aussi sommes-nous aujourd’hui invités à repenser cette question de l’autonomie qui reste bien sûr un enjeu majeur de développement pour chacun. En effet, elle ne peut être dissociée de la reconnaissance de la fragilité constitutive de l’être humain, Charles Gardou, 2012, et qui nous impose les uns vis à vis des autres une solidarité. Nous avons sur développé la recherche de la primauté du sujet, de son épanouissement le plus abouti, et c’est une bonne chose mais dans la balance, nous devons aussi poser cette conscience de notre propre fragilité. Nous avons développé la vision d’une société hyper performante, remplie de super héros très compétents, nous ne pouvons nier les effets dévastateurs que cela peut produire. Nous avons à accepter nos vulnérabilités et à en percevoir aussi ce qu’elles nous apportent. Cessons de nous penser autonomes et invulnérables pour nous reconnaitre aussi interdépendants et vulnérables. Apprenons à cultiver  cette qualité de relation dans les classes, entre enseignants, avec les parents et nous gagnerons un équilibre serein entre autonomie et entraide nécessaire. L’apprentissage de l’autonomie doit se conjuguer avec celui de l’altruisme qui se fonde sur l’empathie et la mise en œuvre d’actions solidaires, d’aides mutuelles au quotidien.

Je vous propose la schématisation suivante: Carré ou cercle ?  Cela présente à la fois l’avantage de donner une vision des réflexions évoquées et l’inconvénient de vouloir trop simplifier dans une opposition un peu trop binaire. Il me faut donc compléter ces schémas des commentaires suivants :

Le choix du carré de la primauté du sujet met donc en avant les termes de l’autonomie, de la rationalité, de la liberté (illusion de la liberté) et de la compétence. En effet, il me semble qu’avec cette visée de l’autonomie dans le versant excessif lié au développement des compétences, le côté rationnel est lui aussi sur développé. De même, ce développement de l’autonomie se justifierait comme le passage nécessaire pour acquérir la liberté. On voit bien les illusions que recouvrent ainsi formalisées et simplifiées cette course au développement du sujet. La figure du carré enferme le sujet entre ses blocs.

La métaphore du cercle de l’altruisme montre la fluidité entre les termes qui eux aussi construisent une autonomie du sujet mais en lien avec les autres. La prise en compte du « sensible » me semble très importante ; c’est cette prise de conscience qui nous met sur le chemin plus éclairé de la connaissance de soi. Il semblerait qu’aujourd’hui, la recherche de cette éducation inclusive qui nous concerne tous, passe par la reconnaissance de cette sphère. Toutes les approches qui visent une meilleure connaissance des émotions, des ressentis et de son être le plus intérieur travaillent en ce sens. Elles ont une incidence sur le climat de la classe, de l’établissement et sur la construction des sujets. L’école inclusive appelle à un retournement vers l’authenticité de l’être qui ne peut se satisfaire d’une course effrénée au paraître.

 

• L’agenda AD’AP : nouveaux décrets

Deux décrets modifiant le dispositif Ad’AP sont publiés au Journal Officiel du 16 décembre 2019 :

  • le décret n°2019-1376 du 16 décembre 2019 relatif à l’agenda d’accessibilité programmée pour la mise en accessibilité des ERP et des IOP
  • le décret n°2019-1377 du 16 décembre 2019 relatif au suivi d’un agenda d’accessibilité programmée approuvé.

Quelles sont les principales mesures prévues ?

  • Possible révision des dérogations

Toute dérogation, quel que soit son motif, est pérenne et cessible. Cependant, dès lors qu’une autorisation de travaux ou un permis de construire est déposé(e) sur un aménagement ou un équipement qui faisait l’objet d’une dérogation, le pétitionnaire doit la redemander afin de pouvoir continuer à en bénéficier. Cette disposition permet de tenir compte de l’évolution de l’environnement de l’ERP (réfection de la voirie par exemple), du changement de gestionnaires et/ou d’activité. C’est une mesure équilibrée qui garantit le maintien et le caractère transmissible des dérogations tant qu’aucuns travaux ne sont concrètement réalisés.

  • Transmission d’une attestation d’accessibilité pour tous les ERP conformes

Tous les ERP conformes qui ne se sont toujours pas toujours déclarés peuvent le faire et sont largement invités, pour cela, à utiliser la plateforme de déclaration en ligne, démarches-simplifiees.fr, en fonction de la catégorie de l’ERP concerné :

o   Attestation d’accessibilité pour un ERP de catégorie 1 à 4

o   Attestation d’accessibilité pour un ERP de catégorie 5

 

  • Possibilité de modifier un Ad’AP approuvé en cours de mise en œuvre

Il est dorénavant possible de modifier un Ad’AP approuvé afin de modifier son périmètre en y intégrant de nouveaux ERP et/ou de modifier la durée initiale approuvée dès lors que le nombre d’années maximal légal n’avait pas déjà été octroyé. Pour cela, le formulaire Cerfa n°15058*01 est disponible sur le lien suivant : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/ladap-agenda-daccessibilite-programmee#e3

  • Précision des objectifs d’une attestation d’achèvement des travaux

Une attestation d’achèvement des travaux doit être réalisée pour chaque ERP et correspond à une attestation de conformité. Elle peut être réalisée sur l’honneur pour tous les ERP de 5e catégorie, qu’ils fassent partie d’un patrimoine ou non. Pour les Ad’AP de longue durée, ces attestations sont transmises au préfet ayant approuvé l’Ad’AP à l’occasion du bilan à mi-parcours et du bilan de fin d’agenda.

Ces deux décrets sont appuyés par un arrêté mettant à jour les Cerfa en vigueur et en introduisant le nouveau formulaire de demande de modification d’Ad’AP.

• Mutualiser les ressources…

Ce site a entre autres vocation à permettre des mises en lien entre tous ceux et celles qui œuvrent au quotidien pour une école inclusive.

Marc Lamouric, nous propose aujourd’hui de partager son « Padlet » . Il y recense de nombreuses ressources liées à sa pratique et aux questions qu’il a pu se poser.  Qu’elles soient utiles et donnent des pistes de réflexion, des outils, des liens vers d’autres sites…

A découvrir  donc:  https://padlet.com/mark_lamouric/eulex9rqjndi

• Des albums pour dire les maux

Une série d’albums qui ouvre une possibilité de répondre au questionnement des enfants sur des sujets parfois difficiles à mettre en mots. Cela avec un concept qui se démarque.
Mais je ne vais pas paraphraser la présentation de la jeune maison d’édition lilloise Tartempion, je vous la livre ci-dessous.

Dans un quotidien bercé par des informations, où les enfants sont régulièrement abondés d’images et de faits violents, tout à chacun est amené à aborder avec les plus petits des thèmes encore tabous. Il n’est pas toujours évident de trouver les mots adaptés et l’entourage éprouve parfois des difficultés à communiquer quand il est lui même en situation de souffrance. La collection Maux d’Amour se veut être un soutien bienveillant et laïque, une petite histoire du soir rapide à lire.

Chaque livre aborde une thématique (le divorce, le handicap, le terrorisme, le chômage, le deuil, la maladie) et est divisé en 3 niveaux de lecture adaptés :
– Mini-minus (0-3 ans)
– Minus (3-6 ans) 
– 
Grand Minus (6-9 ans)

L’histoire, le vocabulaire et les illustrations sont adaptés à chaque tranche d’âge et validés par une psychologue, ce qui permet d’aborder un sujet avec plusieurs enfants d’une même fratrie ou d’être employé par les professionnels travaillant au contact de l’enfance.

On peut noter qu’un nouvel album « Manuel des premiers secours », construit comme les précédents sur trois niveaux de lecture, a été co écrit avec un pompier formateur.

https://editions-tartempion.fr/

• Enseigner avec les erreurs des élèves

Enseigner avec les erreurs des élèves – Jean-Michel ZAKHARTCHOUK
Cahiers pédagogiques – ESF Sciences humaines, 2019

Nous sommes ravis d’accueillir, dans les centres-doc de nos instituts de formation, cet ouvrage tant attendu sur l’erreur, écrit par Jean-Michel Zakhartchouk, accompagné d’une trentaine de contributeurs, et préfacé par Philippe Meirieu.

Tant attendu … parce qu’à ma connaissance, depuis Jean-Pierre Astolfi et sa célèbre typologie des erreurs, personne n’a osé se lancer avec autant d’hardiesse sur ce sujet aussi complexe et polémique, même si le concept de bienveillance est une valeur en hausse à l’École.

L’ouvrage commence par un petit coup d’œil dans le rétroviseur sur la place de l’erreur dans le paysage scolaire mais aussi, bonne idée, sur le rapport à l’erreur qu’ont pu avoir les enseignants dans leur propre parcours scolaire. On nous apprend que, mine de rien, le passé des enseignants pèse sur leur présent…

Et puis, à la lumière de la recherche dans ce domaine, s’enchainent les chapitres sur l’erreur comme levier d’apprentissage sous l’angle de la métacognition, de la gestion des émotions, de la confiance, de la nécessaire prise de recul concernant les fake news… assortis de témoignages et de pistes pratiques des contributeurs, acteurs de l’enseignement et de la formation.

Le livre se termine sur les besoins de formation des enseignants sur le travail de l’erreur avec leur élèves, fondement de leur métier.

Pas d’erreur… ce livre est une belle réussite !

• L’accompagnement des enfants et adolescents avec une lésion cérébrale acquise

Léa Ahmed publie une note de synthèse du mémoire de master 2 traitant de cette problématique assez méconnue. Ce en partenariat avec l’UNAFTC et Handéo. Il est aussi possible de consulter le mémoire.
Nous mettons à disposition cette note de synthèse qui révèle déjà des informations intéressantes qui peuvent nous permettre de mieux comprendre les difficultés rencontrées par ces jeunes élèves.

En effet, la lésion cérébrale acquise intervient dans une période de développement qui a des conséquences en termes d’acceptation de la situation comparée à un avant, de la prise en comte que le cerveau est encore en développement et qui nécessite de hiérarchiser les aides.  des difficultés de comportement peuvent se manifester et doivent bien être reliées à cette lésion et ne pas être vues d’un point de vue psychique. Rappelons que cette lésion et ses conséquences ne sont pas forcément visibles; la perte d’autonomie étant plus ou moins importante.

Note de synthèse

• La photographie pour changer de regard !

Il fallait oser ! C’est l’expérience d’un photographe passionné par le portrait, qui rencontre par hasard, une directrice d’un IME. Ensemble, ils montent un projet où la photographie va devenir une médiation pour entrer en relation et transformer les regards sur les jeunes, les éducateurs… Le photographe qui ne connaissait que de très loin ce monde, en est lui même transformé.

Nous avons voulu vous restituer quelques éléments de cette expérience qui œuvre ainsi à rendre notre société plus inclusive, qui montre aussi combien les résistances, les peurs sont présentes.

Nous pouvons aussi partager quelques très belles photos… Postures de jeu, d’activité, de relations. Photos du quotidien qui expriment la richesse de chacun. Oui, il « n’y a pas de vie minuscule » C. Gardou, 2012.

A lire

le studio photo Les photos publiées ci dessus ont été sélectionnées pour ne montrer aucun visage et respecter ainsi les conditions de publication.

• Parlez nous de votre rentrée !

Le site vous proposait en cette rentrée 2019 de nous faire part des situations rencontrées par un court questionnaire en ligne.
Les questions portaient sur la question des progrès ou difficultés rencontrées particulièrement cette année avec la mise en place des Pôles inclusifs d’accompagnement localisés et les effets éventuels de la circulaire de rentrée intitulée «  L’école inclusive »

Vous avez été 12 personnes à nous répondre et soyez-en remerciés. Nous aurions bien sûr souhaité avoir davantage de réponses afin de pouvoir mesurer de façon plus significative la réalité de cette rentrée. Cependant vos réponses disent aussi vos réalités et cela est important.

Lire la suite…

• Y a-t-il une limite à l’inclusion ?

Voilà ce que m’écrivait dernièrement un enseignant :

Je suis enseignant spécialisé en IEM depuis plusieurs années. J’ai occupé les 3 classes qui composent notre UE et j’ai pris la coordination pédagogique depuis cette année dans le but de pouvoir « modéliser » la notion de parcours. Depuis 3 ans maintenant un nombre grandissant de nos jeunes reboucle avec le milieu ordinaire avec des emplois du temps partagés.
La question que je voulais vous poser concerne nos jeunes pour lesquels la scolarité n’est envisageable que dans notre structure. Sans céder au déterminisme j’observe que ces jeunes ne pourront pas se former à un métier. L’orientation qui est plus une passation, une transition se fera en foyer occupationnel.
Comment optimiser une proposition scolaire qui puisse accompagner ce parcours?
En effet il est complexe d’accompagner des jeunes dans des apprentissages alors que la finalité qualifiante ou diplômante ne sera pas une réalité pour eux.
Ce sont de plus des jeunes qui peuvent avoir plus de 16 ans ou plus de 18 ans (à partir de 20 ans l’amendement Creton permet une souplesse pour leur sortie).
Ils sont arrivés non pas à une zone proximale de développement mais à une zone maximale d’apprenant.

Son questionnement nous rejoint chacun là où nous sommes. Il peut être formulé bien différemment, par exemple, j’entends souvent :

  • N’y-a-t-il pas de limites à l’école inclusive ? Peut-on scolariser tous les élèves en établissement scolaire quand le décalage avec les élèves du même âge est trop grand ?
  • Cet élève serait mieux ailleurs ? Dans un établissement plus adapté ?
  • L’école telle qu’elle est peut-elle scolariser tous les élèves et prendre en compte les besoins différents ? N’est-elle pas « nocive » pour ces enfants ?

Ces questions sont légitimes et sont les héritières de l’idée encore présente que l’éducation des enfants les plus vulnérables devait se réaliser dans des lieux à part. A part de l’école, à part dans l’école. Idée semblable qui conduit à penser que certaines personnes en situation de handicap ont besoin de lieux plus protecteurs que le monde de l’entreprise ou même de celui des ESAT ou entreprises adaptées et qu’elles ne peuvent donc pas travailler. L’école ordinaire est parfois considérée comme source de souffrances pour les jeunes par différents professionnels. Le monde du travail jugé trop dangereux, nocif aussi.

Les enseignants, se sentent aussi parfois très démunis, estimant qu’ils n’ont ni les conditions requises pour pouvoir s’occuper plus spécialement d’élèves avec des besoins plus particuliers ; et que d’autre part, ils ne sont pas formés. Certains parents peuvent aussi partager cette idée, car finalement, ces élèves différents, trop différents, risqueraient de faire baisser le niveau de la classe.

Il est vrai que l’école, dans son organisation, son rapport à la norme, le nombre d’élèves parfois trop important par classe, les moyens insuffisants en personnels, n’offre pas le même environnement que celui d’instituts spécialisés.

Les entreprises se sentent aussi prises par des enjeux de compétitivité, de non capacité à se former, à adapter les postes…

Le questionnement de notre collègue se situe dans ce développement du paradigme de l’école inclusive qui repose sur d’autres logiques : environnementale, de droit, de partenariat, d’empowerment. Pour autant, la question de la limite de l’école inclusive est posée. Peut-on scolariser tous les élèves à l’école ? Comment réaliser des inclusions en école pour des jeunes venant d’un institut médico-éducatif, d’un institut d’éducation motrice, quand le décalage dans les apprentissages est si grand et que comme cela est expliqué, la visée pour certains n’est pas une formation professionnelle ? Comment permettre des temps d’inclusion en collège et en lycée quand l’écart entre les possibilités cognitives, et les apprentissages réalisés est trop grand ?

Une des réponses consisterait à se dire que la visée est alors uniquement sociale, mais n’est-ce pas un leurre ? Comment permettre qu’il y ait réelle participation à l’activité proposée ? Cela demande de clarifier précisément ce que cet élève est capable d’apprendre dans ce moment-là, aussi minime soit-il ? Cela demande aussi, une interaction avec les autres élèves, les différentes aides humaines afin d’étayer au mieux (ni trop intensément, ni trop faiblement) la participation à l’activité.

L’autre partie de la question est liée au postulat d’éducabilité cognitive. En regardant en arrière, nous nous apercevons que des élèves, considérés comme incapables d’apprendre à lire si on s’en tenait au diagnostic et à ce qu’on croyait savoir, n’en finissent pas de nous surprendre. Derrière un trouble, de telles diversités sont là et montrent des possibles insoupçonnés. Combien de coordinateurs ULIS disent que l’intérêt de leur poste est en premier de voir les progrès que réalisent leurs élèves ! Combien il est fondamental que chaque être humain puisse toujours apprendre ! Quel que soit le domaine de l’apprentissage et le niveau auquel se situe cet apprentissage. Car lorsqu’il n’y a plus apprentissage en relation avec d’autres, un moteur fondamental de la dynamique humaine se coupe. Mais nous peinons parfois à oser stimuler ou à réaliser que cette personne très vulnérable, cet élève est, de fait, entrain d’apprendre… Peut-on alors parler de « zone maximale d’apprenant » ? Peut-être si nous nous limitons aux seuls apprentissages tels que les définissent les programmes scolaires, ou de formation, mais non,  si nous sommes capables d’élargir l’horizon à tous les champs possibles pour apprendre avec d’autres.

Tous ces éléments témoignent des changements majeurs que nous sommes en train de vivre avec beaucoup de tâtonnement, avec des connaissances qui évoluent, domaine médical, pédagogique, outils numériques…
Nous avançons peu à peu sans avoir tous les moyens, toute la visibilité mais nous pouvons prendre appui sur les progrès réalisés, sur les évolutions de part et d’autre de l’école, du monde spécialisé et de l’entreprise malgré le contexte de nos modèles économiques. L’école inclusive va de pair avec une société inclusive. Les formes de « foyer occupationnel » évoluent aussi : quelle participation sociale peuvent-ils favoriser ? Comment peuvent-ils continuer à stimuler chez leurs résidents les différentes dimensions de leur personne, relationnelle, cognitive, affective, spirituelle, artistique … ?

L’évolution actuelle va nous conduire à mieux articuler les ressources thérapeutiques, éducatives des établissements spécialisés avec les ressources de l’école. Cela devrait apporter de nouveaux moyens à l’école et améliorer ainsi la scolarisation de nombreux enfants. Mais si la volonté politique est là, cela demande de changer nos représentations mutuelles et de travailler ensemble au plus près des besoins de chaque jeune. La circulaire 2015-129 sur les ULIS, précise que l’élève va « autant que de besoin dans le dispositif ». Cette phrase, passée souvent inaperçue, donne pourtant la ligne de conduite à suivre….  Tout en maintenant une réelle place dans le monde de la cité, à l’école ou au travail, dans les lieux de vie non séparés, aménagés, rendus accessibles, respectueux des besoins des personnes les plus vulnérables.