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• Accessibilité ? Démarche et exemples

Illustration du principe d'équité (Ville d'Ottawa, 2015, p. 10).  

L’image est parlante ; elle montre l’évolution des modèles. Elle invite à une réflexion sur la question de l’éthique, posant cette expression éthique par accessibilité.  Elle veut nous inviter à ce passage vers la conception universelle des apprentissages, comme disent nos cousins québécois, et que nous avons nommée “accessibilité pédagogique ” dès 2012. Nous la définissions de la façon suivante dans l’introduction du numéro 2012/2 de la Revue Éduquer et Former :

« L’importance même des situations d’enseignement –apprentissage est également mise en relief. Elle doit conduire à l’analyse des tâches proposées aux élèves, des obstacles éventuels et des aides à mettre à disposition pendant la séance, organisée non pour une classe idéale, mais pour des enfants réels…

Plutôt que de parler de remédiation en aval des situations d’apprentissage, c’est en amont, dès la conception, que les obstacles sont repérés et les aides conçues. »  P 10. Intro du dossier. C. Gardou. V. Poutoux.”

Oui, la logique égalitaire n’est pas compatible avec l’école inclusive. Elle crée des paradoxes trop importants. Par contre elle reste dans les esprits très présente pour les parents, et pour les enseignants quand ils se demandent si le fait de différencier une évaluation est juste. Nous sommes dans cette nouvelle logique de l’équité qui consiste à accompagner les élèves en fonction de leurs besoins d’aides. Dans ce cadre-là, de nombreuses questions restent présentes dans le quotidien de la classe. En effet,  nous rencontrons deux écueils: celui de la sur-personnalisation avec des effets de stigmatisation; celui des écarts qui peuvent demeurer entre la progression de la classe et les acquis d’un ou plusieurs élèves de la même classe, malgré les adaptations, les aides fournies…

Que nous manque-t-il pour aller vers cette équité par l’accessibilité ? C’est bien de concevoir un dispositif d’enseignement/ apprentissage dans lequel tous les élèves participeront, de façon active, (dans l’image proposée, les personnages semblent passifs … c’est ma vision) en coopérant si besoin et en trouvant les aides dont ils auront besoin parce que l’enseignant aura conçu sa séance en cherchant les obstacles qui y sont présents. Ici dans l’image, l’obstacle est représenté par une palissade qui devient un filet à travers lequel, tout le monde peut voir. C’est en cela que cette image est un peu simpliste, car dans les situations pédagogiques, les obstacles sont plus complexes à débusquer. Ils sont de deux ordres : liés aux notions en cours d’apprentissage et doivent donc en quelque sorte demeurer, car c’est en les dépassant que se joue l’apprentissage de cette dite notion ; liés aux procédures à mettre en œuvre pour réaliser l’activité.  Dans les deux cas, les enseignants ne voient pas ces éléments comme des obstacles.  C’est évident que si tel élève n’a pas répondu correctement suite aux éléments qu’il devait lire dans un tableau à double entrée, c’est parce qu’il n’a pas appris ce qui précédait, parce qu’il n’a pas bien réfléchi, réalisé les liens qui devaient se faire. Si par bonheur, un élève dyspraxique, avec un trouble important, est dans sa classe, l’enseignant va apprendre que cet élève, de par son trouble, ne peut pas se repérer dans un tableau à double entrée. Il va donc soit mettre des repères sur le tableau pour cet élève, effet légèrement stigmatisant, soit pour tout le monde dans une logique d’accessibilité. Le tableau à double entrée, oui, peut être le mur de palissade des 2 premières images. Mettre des repères dans le tableau, c’est comme transformer la palissade en filet. Mais c’est aussi dans la métaphore du mur d’escalade que je préfère, celle du choix de voies différentes, de guidages différents, d’ajustement de l’obstacle aux possibilités du grimpeur, de combinaisons d’aides entre grimpeurs…

Alors comment rendre cette recherche d’obstacles plus aisée pour les enseignants quels que soient le niveau d’enseignement ou la discipline enseignée ?

Je vous propose la démarche testée plusieurs fois avec des collègues en gardant à l’esprit les postulats suivants :

  • Il s’agit que chaque élève puisse participer à l’activité, soit en condition de … (si l’élève ne veut pas participer, c’est un autre problème bien complexe…)
  • Cessons de voir les troubles de tel ou tel élève, dans un premier temps, pour se centrer sur des invariants qui doivent être pris en compte par les enseignants. Dans toute classe, il y a des élèves qui ont du mal à lire, à écrire, à mémoriser (plus difficile à cerner), à organiser leur travail (entrer dans l’activité, avoir son matériel, anticiper les étapes), à inhiber une certaine impulsivité ou des processus acquis (stratégies confortables cognitivement)

  • Après de nombreux essais pour trouver le chemin de ces obstacles, il semble que l’analyse de l’activité soit le moyen le plus efficace. IL sera d’autant plus pertinent si on peut travailler à plusieurs, de niveau, ou de discipline différente ; car les collègues ne sont pas forcément dans nos évidences.
  • Enfin, sans vouloir courir le risque de faire “baisser” le niveau (Je voudrais être sûre, d’ailleurs, que nous ayons à disposition, les bons outils pour mesurer ce “niveau”) tout en proposant la même activité, il est possible de délimiter des objectifs différenciés pour un élève plus particulier. Ceci concerne des élèves dont la déficience intellectuelle, par exemple, peut empêcher l’accès en totalité à l’ensemble des objectifs d’apprentissage que vise l’enseignant. Parmi les objectifs visés pour tous, il en personnalisera certains.  Ce qui n’empêchera pas l’élève de participer à l’activité proposée.
  • Voici l’ensemble des questions qui guident cette analyse.

Quelle est l’activité que je vais proposer à mes élèves ?

Quels sont les apprentissages visés par cette activité ? (Ici je peux mentionner pour un élève des objectifs différents) ?

Qu’est-ce que les élèves vont devoir faire (à la fois matériellement, mais aussi dans leur tête. La liste doit être exhaustive… Surtout ne pas oublier les évidences du genre… lire, prendre son cahier… écouter …).

Parmi toutes ces tâches, qu’est-ce que les élèves vont devoir mobiliser en tant qu’anciens savoirs, savoir-faire, savoir être (c’est là que le tableau à double entrée peut intervenir), en tant que nouveaux savoirs, savoir-faire, savoir -être ?

Là, on s’arrête, on regarde tout ce qui est là et on peut alors lister les obstacles. En tenant compte des invariants précédents, il est alors possible de concevoir sa séance en intégrant des aides qui seront proposées à tous ou à certains. Les élèves apprendront au fur et à mesure à sélectionner celles qui leur sont utiles.

Voici donc l’ensemble de la démarche proposée et 3 exemples de mise en œuvre en cycle 1, cycle 2 et en mathématiques en classe de 4eme.

L’accessibilité Démarche Exemples

Sans doute ne s’agit-il pas de réaliser une telle analyse pour chaque activité ? Mais en commençant à concevoir une séance pour laquelle l’enseignant a envie de creuser, ou en relisant une séance menée qui n’a pas fonctionné… Peu à peu un nouvel habitus professionnel peut se prendre et devenir facilitant pour une accessibilité pédagogique qui développe la logique pleinement éthique de l’éducation inclusive.

Notez bien: Je suis très intéressée pour venir travailler cette démarche avec des enseignants qui le souhaiteraient dans le cadre d'une action de formation. Il s'agira de la tester en situation réelle. Me contacter par le site. 

• De quelques idées de Paulo Freire

Parfois se replonger dans les écrits d’auteurs connus mais un peu oubliés donne comme un élan dans la réflexion et la recherche… C’est ce qu’a fait, pour nous, Corinne Griffaton en nous livrant cet article qui nous rappelle bien des fondements de l’éducation inclusive.
En effet, Paulo Freire a œuvré à la fois, à l’alphabétisation de populations qui en étaient exclues, par des méthodes originales, mais aussi par les fortes convictions pédagogiques et éthiques qui guidaient son action. Paulo Freire “commence par recenser ce que les apprenants savent déjà. Il respecte profondément les savoirs populaires. Il apprend avec eux. Il utilise des images. Il valorise la parole de chacun. Il invite chacun, quel que soit son bagage de vocabulaire, à se questionner sur des grands sujets, comme « Qu’est-ce que la culture », « Qu’est-ce qu’être humain ? », car l’important n’est pas d’inculquer un savoir préexistant, mais de construire des savoirs ensemble, en groupe, dans le dialogue. ”

Oui nous retrouvons en lisant ces lignes de bons rappels et des pistes de questionnement sur nos pratiques actuelles, dans notre contexte d’aujourd’hui.

Corinne Griffaton – Paulo Freire.docx