Editos

. Retour sur le sondage  » Vous et la loi de février « 

Enfin, vous trouverez ci-dessous le recueil des réponses et l’analyse que j’en propose. Merci à tous ceux et celles qui ont pris ce temps. Votre parole a toute son importance.

Que retenir ?

  • Le sondage analyse l’impact de la loi de février 2005 sur l’école inclusive, en mettant en avant trois évolutions majeures : la présence accrue des AESH, l’augmentation du nombre d’élèves en situation de handicap et les aménagements aux examens.
  • Les principales difficultés rencontrées sont le manque de moyens (notamment d’AESH), la formation insuffisante des enseignants, la surcharge des classes, ainsi que des difficultés dans la différenciation pédagogique et la cohérence institutionnelle.
  • Les axes d’amélioration prioritaires identifiés sont : réduire le nombre d’élèves par classe, renforcer la formation initiale et continue des enseignants, rendre les pratiques pédagogiques plus accessibles, et repenser le rôle des aides humaines dans une logique inclusive.
  • Le document souligne également la nécessité de passer d’une logique de compensation individuelle à une approche environnementale, où l’école devient le lieu de vie ordinaire pour tous les enfants, tout en articulant au mieux les ressources spécialisées avec celles de l’école.
  • Enfin, il met en avant le besoin d’une cohérence politique et d’une transformation profonde du système éducatif pour répondre aux enjeux de l’école inclusive aujourd’hui.

A lire Réponses et Analyse

et le recueil « brut » des réponses

. Le cœur battant d’une classe !

Au-delà de tous les questionnements légitimes qui se posent en cette rentrée, ne faut-il pas rappeler que chaque classe est avant tout un collectif qui va se découvrir en ce début septembre, va se construire et vivre de longs moments ensemble, enfants, adolescents et adultes ?

Les premières heures passées ensemble ont pour chacun un impact fort… en termes d’énergie, d’anxiété, de plaisir, d’intérêt… de découvertes mutuelles, de place faite à chacun, de mise en relief des particularités et de ce qui nous réunit.

Les enseignants en maternelle et dans les petites classes y prêtent sans doute une attention plus particulière mais comment à tous les niveaux de la scolarité faire une place à tout ce qui pulse en chacun ? Ce qui nous habite pleinement et qui ressemble au non visible des icebergs… Ce qui en fait, est exclus, comme si cela n’existait pas. Comment mettre en mouvement tous ces cœurs, favoriser leur ouverture, permettre que les fonctions cognitives, si reliées au monde intérieur, émotionnel de chacun soient dans les meilleures conditions ? Comment contribuer ainsi à développer l’intégralité de chacun, dans sa vulnérabilité propre et ses forces non quantifiables mais non moins essentielles.

A chaque enseignant d’assurer ce que nous pouvons nommer  un climat sécure, où les règles du vivre et apprendre ensemble, semblables et différents, sont connues, détaillées, servent de référence. Des réflexions d’enfants cet été m’ont interpellé. Elles énoncent des angoisses particulières, si je ne retrouve pas ma place, ma classe ? Si je ne sais plus quel cours va suivre ? Si je n’ai pas pris mes bons cahiers ? Mais aussi, elles disent leur  attention à la justice, et à leurs camarades les plus en difficulté, leur empathie tout à fait présente… (les cours d’empathie ont-ils déjà eu autant d’effet ?) En tant qu’adulte, nous n’imaginons pas toujours la richesse des réflexions, le bon sens possible et tout ce monde intérieur si riche, si vivant qui habite le cœur, l’esprit de nos enfants. Nos propres peurs nous empêchent de laisser s’installer la confiance nécessaire mutuelle pour un vivre ensemble apaisé. Entre posture de contrôle excessive, dictée par nos peurs et laisser faire, la posture de l’enseignant accompagnateur qui s’appuie sur les ressources des élèves est celle qui favorise compréhension, écoute et responsabilité de tous.
La mise en projet de la classe pour l’année est essentielle : mise en projet à laquelle les élèves seront partie prenante. Qu’apprendrons-nous ensemble ? Que ferons-nous ensemble ? Comment se dérouleront nos journées ? Quelles sont les limites que nous devons tous respecter ? Que pouvons -nous construire ensemble… Ce début d’année est vraiment le moment clé pour mettre en avant le respect de chacun dans ce qu’il manifeste et dans le non manifesté, la coopération constitutive du vivre ensemble.

Reconnaitre les cœurs battants en chacun, mystérieux, pour ne plus exclure cette part fondamentale de l’être humain, c’est bien travailler à une éducation intégrale qui ne sert pas la compétition individuelle mais la recherche commune du développement des qualités de chacun à épanouir dans un collectif coopérant, sécure et dynamisant. L’école inclusive nous oblige à cet autre regard, à cette vision intégrale de la personne.

C’est dans nos actions quotidiennes, que les enseignants, les parents, les éducateurs réveilleront le meilleur en nous : « le rire des enfants, le songe des amants, la patience des misérables, le génie des mères. » (C. Bobin Extrait entretien avec F.Busnel dans La grande librairie) …  « Il s’agit de faire revenir le sang dans le tout de cette société… quelque chose entre résurrection et insurrection. »

 

Véronique Poutoux, le 29 août 2025.

● 2005-2025 !

2005-2025 ! Anniversaire des 20 ans de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Occasion de regarder en arrière, occasion de projeter ce qui doit continuer de progresser !

Alors que voyons-nous dans le  rétroviseur ?

Qu’avons-nous appris, développé pendant ces 20 ANS ?

Nous avons réfléchi pour comprendre les enjeux, modifier nos représentations sur le handicap et les difficultés d’apprendre, pour transformer les pratiques… les rendre plus personnalisées, plus inclusives.

Nous avons élaboré une nouvelle sémantique: BEP, ULIS, PPS, PAP, AESH, GEVASCO,… Mots à définir d’abord, puis à intégrer, puis à questionner à nouveau.

Nous avons appris  à accueillir dans les classes des élèves qui nous ont surpris, étonnés, interrogés parfois découragés. Nous avons  découvert toutes ces différences de profils d’apprenants en cherchant à ne pas stigmatiser.

Nous avons cherché à mieux comprendre les processus cognitifs et leurs étonnantes modalités particulières de traitement de l’information, de mémorisation, de restitution. Nous avons mesuré l’importance des compétences psycho sociales dans le vivre et apprendre ensemble.

Nous avons mis en œuvre des projets personnalisés, des compensations avec des aides humaines, techniques.

Nous avons adapté les supports, les activités, les évaluations, pour rendre la différenciation pédagogique effective dans les classes. Nous avons développé des pédagogies coopératives, d’autres manières d’organiser les apprentissages avec plus  de flexibilité, plus d’interactivité…

Nous avons appris à travailler avec des AESH, à participer aux équipes de suivi en rencontrant d’autres professionnels.

Nous avons tenté d’harmoniser les process de reconnaissance des situations  de handicap, les attributions d’aides. 20 ans de travail entre le ministère de la santé et l’éducation nationale, entre les MDPH, les familles, et les inspections académiques; entre les professionnels médico sociaux et les professionnels de l’éducation.

 

Alors que pouvons-nous espérer développer, améliorer pour une  école pour tous réelle? Dans 20 ans, aurons-nous transformé notre école ? Sera-t-elle enfin une école du 21 me siècle ?

Il nous faut continuer à modifier nos représentations  sur la question du handicap et de la difficulté scolaire et comprendre encore davantage que c’est le regard que nous portons qui se réfère sans cesse à une « normalité »  attendue, qui classe et catégorise et désigne le handicap. Nos connaissances sur la diversité, qu’elle soit culturelle, sociale, cognitive ouvrent un immense travail de compréhension et d’acceptation des différentes manières d’appréhender le monde, de le comprendre, de s’y intégrer plus ou moins. Nous devons rester humble face au mystère que constitue chaque être humain. L’école est appelée à dépasser les modèles normatifs sans tomber dans le piège d’une sur personnalisation. Car  derrière ces diversités, il y a aussi ce qui nous réunit, ce en quoi nous sommes semblables :  dans notre dignité, dans notre droit à vivre et à apprendre avec d’autres, dans notre désir de prendre place au sein d’une communauté. L’exclusion détruit et ceux qui sont exclus et ceux qui excluent.

Nous devons  résolument quitter la seule logique médicale et catégorielle pour penser des environnements scolaires où la participation de chacun aux activés proposées est possible par la mise en œuvre de l’accessibilité dans tous les domaines, y compris pédagogique.

Il est aussi nécessaire d’interroger notre organisation en classe d’âge  qui nous prive de souplesse et d’inventivité. Certains y réfléchissent  déjà et l’expérimentent en  réorganisant les groupements d’élèves. De même le cloisonnement des disciplines et le peu de pratiques interdisciplinaires freinent la possibilité de faire des liens, de comprendre le monde et de donner sens aux savoirs enseignés et donc ne favorisent pas de plus nombreuses situations où la participation de tous pourrait être effective.

Nous avons à quitter une vision déficitaire des compétences pour certains jeunes. Nous limitons ainsi leur développement possible. Il nous faut explorer et mobiliser à l’école d’autres façons d’être au monde : une communication sans langage, des comportements qui  dérangent la « norme sociale » mais qui disent quelque chose que nous avons à comprendre, des talents éloignés des attendus scolaires parce que trop créatifs, trop spécifiques…

Comment faire évoluer les programmes compte tenu du développement des connaissances, du contexte de mondialisation, d’interculturalité, du développement de l’intelligence artificielle… Des programmes pour une école du XXIeme siècle, en fait ! Il est sans doute possible de donner plus d’autonomie aux équipes pour qu’en fonction de leur contexte, une marge d’adaptation des programmes soit possible.  Il nous faut aussi revisiter fondamentalement les pratiques d’évaluation ? Que de temps passé où les élèves sont évalués en vue d’une certification et non pour constater les progrès ! Quand apprennent-ils et qu’apprennent-ils finalement ?

Il est temps d’intégrer pleinement que le lieu de vie ordinaire de tout enfant, tout adolescent est l’école… Que dans cette école, il y a des espaces  d’enseignement, d’entrainement, de développement de projets, des lieux de respiration  et d’appui par d’autres professionnels pour aider au mieux vivre avec les autres et mieux apprendre. Cela va demander  de penser de façon plus radicale l’articulation entre les moyens du médico-social et l’éducation nationale, les modalités de travail sur site scolaire. Pour le moment, nous ne voyons pas encore comment permettre à des jeunes scolarisés en établissement spécialisé d’être scolarisés dans les écoles, dans les classes. Notre culture, notre système, notre vision d’un enseignement très académique nous empêchent de voir les choses autrement… Pourtant d’autres  pays y arrivent, Portugal, Italie …

La loi de février 2005 a impulsé une transformation de l’école voulant la rendre plus inclusive. Mais cette « loi de consensus » entraine de facto un refrain lancinant autour des limites de l’inclusion. Les acteurs eux-même du médico-social et de l’éducation nationale partagent-ils cette vision ? Pensent-ils vraiment que tous les enfants peuvent être scolarisés dans les écoles avec les appuis nécessaires, en revoyant les taux d’encadrement, en repensant les espaces et le temps, en  faisant confiance aux équipes et en donnant de l’autonomie pour adapter les programmes et les organisations d’établissement.

D’une révolution homéopathique qui a travaillé les terrains d’éducation dans la réflexion, les actions, les expérimentations, il nous faut maintenant un changement radical pour faire advenir une école pour tous les enfants. Des organisations nouvelles devront naitre, des murs et des espaces  se recomposer, de nouvelles équipes pluri-professionnelles se constituer…

Le voulons-nous vraiment ? Cela nécessite de partager cette vision dans les sphères décisionnelles et de les mettre en œuvre, mais aussi que les expérimentations de terrain se multiplient dans cette direction et ouvrent ce nouvel horizon.

 

Véronique Poutoux. 24 janvier 2025.

● Un peu de pub pour les évaluations FAR


Vous utilisiez les évaluations FAR, Évaluations diagnostiques de la Grande section au CM2, vous voudriez les utiliser ou les découvrir,
il est encore temps de vous procurer livrets et supports d’exploitation. 
En effet les éditions Yellow Concept ferment leurs portes.
Le stock, constitué des livrets d’évaluation F.A.R. et leurs supports d’exploitation, ainsi que de nombreux ouvrages de littérature de jeunesse destinés notamment aux élèves à Besoins Educatifs Particuliers, vient d’être repris.
Il est mis à votre disposition à tarif préférentiel dans la limite des stocks disponibles. Voici le BON DE COMMANDE avec les informations concernant les tarifs et modalités d’envoi. 
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● AkEduc ?

A force de cheminer vers une école inclusive, on a pu progresser étape par étape vers d’autres concepts, élargis.
Ainsi, si vous nous lisez, vous avez pu retrouver plus souvent la notion de Conception universelle des apprentissages (CUA), plus ouverte encore, sur la prise en compte des besoins des élèves.
 
Notre petite équipe, ainsi que quelques  collègues que nous avons associés, avons pensé que le terme « Vers une école inclusive » devait évoluer.
De plus, l’évolution des pratiques de veille professionnelle a rendu nécessaire l’ouverture sur d’autres réseaux de communication et de partage. Cela a été réalisé à travers un groupe public sur Linkedin, Akeduc.
 
Mais pourquoi Akeduc ?
 
En forme de métaphore, qui évoque le pont à créer entre élèves et apprentissage, parents et école, un réseau entre enseignants et formateurs,… il demeure un site pour alimenter la réflexion et les usages :
accessibilité pédagogique, éducation inclusive, aqueducakeduc.fr .

Le site Vers une école inclusive est à présent aussi accessible par une adresse plus courte et plus conviviale : akeduc.fr

• Lectures de rentrée

Si vous les avez lus, n’hésitez pas à laisser un commentaire ci-dessous. Merci d’avance !

Développer des compétences

Un livre du neuroscientifique canadien Steve MASSON tout récent. Il aborde les fonctions exécutives, la mémoire de travail, les distractions et le contrôle inhibiteur de façon très détaillée et documentée par la recherche.

Coopération et différenciation,
Entre dynamiques collectives et besoins des élèves

Ouvrage coordonné par Sylvain Connac
Les pratiques de coopération entre élèves sont très présentes dans les salles de classe. Mais que valent-elles en matière de prise en compte de la diversité des élèves ?
Cet ouvrage présente les conclusions d’une recherche collaborative menée par un collectif d’une cinquantaine d’enseignantes et d’enseignants du primaire et du secondaire du territoire du lyonnais. Il propose autant de repères précis pour articuler coopération à différenciation que de descriptions pédagogiques concrètes et accessibles au plus grand nombre.

 

 

• Co Construire un établissement universel… Suite

C’était le 15 mai 2024, Sur l’ensemble scolaire Ozanam à Cesson Sévigné, en banlieue de Rennes, que se  déroulait la restitution du chantier débuté en avril 2023. Ce fut l’occasion de rendre compte des travaux menés durant cette année autour des 6 thématiques retenues :

– Dynamiser les espaces pour le bien-être de tous

– Faire équipe et repenser le temps en équipe pluridisciplinaire pour favoriser la mise en œuvre de l’accessibilité universelle.

– Communiquer et construire la Co éducation avec les familles.

– Développer la formation d’équipes pluridisciplinaires pour vivre ensemble l’accessibilité universelle.

– Penser une nouvelle organisation d’établissement pour le rendre universel.

– Concevoir des apprentissages accessibles à tous et proposer une évaluation positive.

Chaque groupe a reconstitué son cheminement et rendu compte des expérimentations menées ou à venir. De nombreuses idées concrètes en découlent. Voir dans le dossier de presse les pages 12/13/14.

Quelques idées simples :

Prévoir des entrées différentes dans l’établissement, ne plus utiliser les sonneries de fin de cours, rendre la signalétique homogène ; partager entre 2 ou 3 écoles des locaux afin de permettre à des partenaires d’intervenir dans les murs ; faciliter le processus d’annonce du handicap par un outil institutionnel et simple ;  proposer une formation croisée aux acteurs des établissements scolaires et paramédicaux en s’aidant d’un questionnaire préalable ; se rendre sur place pour apprendre la rencontre et développer une culture en commun ; rendre plus souples les organisations scolaires ; proposer un kit d’animation pédagogique pour développer l’accessibilité pédagogique , développer un argumentaire en direction des chefs d’établissement et des enseignants pour mettre en avant la nécessité des aides pour tous … Bien des pistes à travailler encore, à reprendre en équipe, sur un territoire.

A la rentrée 2024, le collège du Sacré Cœur de St  Jouan les guérets bénéficiera d’un poste d’enseignant dédié à ce projet d’établissement universel et devant faciliter les liens entre les différents professionnels et entre les élèves. En fonction des moyens alloués par l’ARS, l’IME la Passagère, sera implanté, en partie dans les murs du collège … L’établissement entrera dans la phase active d’un établissement universel.

Durant l’année à venir, l’animation des équipes volontaires se poursuivra sous forme de Webinaires, ou  d’ateliers proposés dans les différents « Pays » autour de Rennes, afin que les travaux réalisés cette année soient partagées et discutés, mis en action en fonction des possibilités locales...

 

 « Nous ne pouvons plus attendre. «  C’est le message fort délivré par Sophie Cluzel qui nous a rejoint en viso conférence. Elle rappelait que l’école est le lieu de l’unité des apprentissages et qu’il s’agit maintenant de faire rentrer le médico-social dans les murs des  établissements scolaires. C’est un grand changement en route, mais qui est très lent. (Voir l’article sur le CNH du 16 mai).
Un autre point qu’elle a souligné et qui doit souvent être rappelé : porter sur chaque jeune « la présomption de compétences ». Derrière ce qui apparait, tout un univers de possibles est là, bien  au-delà de ce que nos préjugés et nos représentations nous empêchent de voir. Nous voilà donc encouragés à poursuivre ce chantier : devenir des écoles universelles.

Enfin, Eric Simon a réalisé en temps réel, une fresque rendant compte des idées développées qui retrace bien le chemin réalisé et anticipe ceux à venir.

De belles perspectives pour l’Enseignement Catholique d’Ille-et-Vilaine pour que ce temps de restitution ne soit pas une conclusion mais bien l’amorce d’une dynamique qui essaimera dans tous les établissements scolaires de ce territoire.

CI dessous le lien avec le nouveau dossier de presse :
co construire un établissement universel

Le lien avec la frise graphique :https://www.versunecoleinclusive.fr/wp-content/uploads/2024/05/fresque-etablissement-universel-15mai2024.jpeg

 

• Enseigner : faire naitre des résonances intérieures !

« J’ai eu le bonheur de voir dans une école des quartiers dits chauds de Marseille une centaine de jeunes (trois classes regroupées) boire de tout leur être « Le Cantique des Cantiques » scandé et chanté par le musicien Jean David dans un silence de clairière. Pas une syllabe de ce texte sublime ne se perdait. Comment a-t-on pu croire qu’il fallait simplifier et réduire pour être entendu ! Il n’y a que devant le médiocre, le banal, le fonctionnel, l’utilitaire à tous crins que bien des oreilles se font sourdes.
La meilleure issue pour sortir du marasme : repartir du plus haut.

Dans les « Mémoires » de Marc Chagall qui relatent sa miséreuse enfance à Vitebsk, un shtelt de Russie, une scène déchirante :
Le maître d’école entre un matin dans la classe avec un papier jaune qu’il déroule avec prudence et épingle au mur : « Les Mains Jointes » de Dürer.
Le saisissement de l’enfant devant ce dessin fait fracture dans la grisaille coutumière ; il y a désormais pour lui un avant et un après.
Ce dessin lui donne à voir le monde créé. Non que ce monde n’ait pas été là avant ! Que de fois l’enfant aurait-il pu observer dans la réalité même qui l’entoure les mains jointes d’une vieille femme ! Mais il ne suffit pas d’avoir des yeux pour voir. Il faut encore cette collision inattendue : un « autre » – du fond du temps et de l’espace – vous « donne » l’usage de vos yeux.
Ainsi naquit Marc Chagall.
Peut-être l’éducation n’est-elle pas autre chose que cette mise en scène de possibles rencontres, cet espace où se créent les conditions d’un surgissement. Pour l’un, ce sera un épisode de l’histoire, un volcan en éruption, les découvertes de Sumer ou de l’empire aztèque, pour l’autre la dernière strophe d’un poème ou le choc lumineux d’un principe mathématique.
« Le carré de l’hypoténuse d’un triangle droit est égal à la somme des carrés des deux autres côtés. »
« Ce théorème, disait Lewis Caroll, est aussi beau, aussi éblouissant aujourd’hui qu’à l’heure ou Pythagore le découvrait. Les siècles n’en ont pas altéré la limpidité. »
L’homme est le fils des obstacles, selon un proverbe chinois. Il est aussi et surtout le fils de ces collisions fortuites, de ses jonctions fulgurantes, de ces éclats d’éveil dont crépite la Vie, quand l’âme est aux aguets ! 

 

Ce texte, extrait du livre de Christiane Singer « N’oublie pas les chevaux écumants du passé » porte une toute autre vision de l’école que celle de cette réforme nommée « choc des savoirs ». Le mot CHOC pour heurter, pour réveiller, pour agresser aussi. Mot qui tombe durement sur les réalités de vie des enseignants, des élèves, des parents et des chefs d’établissement. Mot qui veut provoquer… Quoi ? Qui ?

Christiane Singer nous redonne une vision de l’éducation qui parle de l’être humain, de son développement dans toutes ses dimensions. Il nous renvoie, je pense, aux profondes motivations qui nous ont fait choisir ce métier de la transmission qui s’émerveille sans cesse de ce que les hommes ont observé, construit, développé, cherché, dans une multitude de domaines.

Dans cet extrait,  nous entendons les rencontres possibles, le surgissement, la collusion, les fulgurances… Un vocabulaire qui parle de ce qui  se joue pour nos élèves au cœur des apprentissages, un lien fort entre une proposition didactique et une vibration avec le monde  intérieur de chacun… Monde intérieur de l’enseignant qui met son génie particulier au service d’une conception de l’apprentissage ciblé. Pourquoi le choix de ce tableau de Dürer » Les mains jointes » ? Monde intérieur de l’élève qui est touché spécifiquement,  qui s’ouvre, qui résonne et qui crée une dynamique de curiosité, un désir d’explorer, une envie d’avenir…

Ces mots qui témoignent si bien du sensible, présent toujours et partout, qui sous tendent la matière. Alors, oui , nous pouvons mettre en parallèle les images de nos  classes où cette merveilleuse alchimie ne se vit pas tous les jours et se sentir parfois découragé… Mais nous pouvons aussi retenir ces micro détails que ponctuent les gestes, les mots, les  silences de nos élèves.

Quand le « CHOC des savoirs » ne parle que des fondamentaux, de formatage, de standardisation, la dimension sensible a disparu… La fragilité si belle et si touchante de nos intelligences et de nos cœurs n’est plus prise en compte. Les enseignants appelés à exécuter pourront-ils encore extraire une vieille feuille jaunie d’un tableau qui s’est imposé à eux pour aborder telle notion ?

Certains de nos élèves, plus fragiles que d’autres qui ont justement besoin d’aborder de façon créative les savoirs enseignés, trouveront-ils dans des approches aussi formatées, des chemins de traverse, une fulgurance qui pourra ensuite les guider ? Il est urgent que nous revenions à nos profondes motivations dans le choix que nous avons fait d’enseigner pour trouver les moyens d’ouvrir » ces collusions inattendues « …

Pour sortir du marasme, il nous faut revenir à ce qui nous habite en profondeur et qui se nourrit des grandeurs du patrimoine humain dont nous sommes les passeurs. Susciterons- nous l’étonnement ? Découvrirons-nous encore ces rencontres imprévues que peuvent faire nos élèves, tous nos élèves ? Apprendre c’est bousculer son univers, c’est se laisser saisir par plus grand que soi. Enseigner, c’est permettre ces saisissements, c’est élargir l’horizon , enrichir chacun des univers de nos élèves tout en les reliant.

 

Véronique POUTOUX, 30 Avril 2024.

• Investir dans la compétence des équipes !

Pour l’inclusion scolaire, « il faut désormais investir massivement dans la compétence des équipes pédagogiques »

Ombeline Accarion, vice-présidente EELV de la Loire-Atlantique chargée du handicap et aussi professeure des écoles, alerte, dans une tribune au « Monde », sur les défauts de mise en œuvre de l’école inclusive et insiste sur les besoins concernant les moyens et l’accompagnement des enseignants.

Cette tribune paraît dans Le Monde de l’éducation. Vous avez accès au début de l’article seulement si vous n’êtes pas abonné, mais ça donne une idée…

L’article sur le site du « Monde »